Progresser en photo de rue : 10 conseils
Vous avez l’impression de stagner alors que vous ne rêvez que de progresser en photo de rue ? Vous ne vous améliorez pas aussi vite que vous le voudriez ? Je vous livre mes conseils pour libérer votre potentiel de développement photographique !
Sommaire
- 1- Progresser en photo de rue : une question de pratique
- 2- Analyser ses photos
- 3- Recueillir les bons feedbacks pour progresser efficacement
- 4- Structurer son travail pour mieux progresser
- 5- Comprendre ses motivations profondes
- 6- Progresser en photo : une question d’objectifs
- 7- S’appuyer sur ses forces pour progresser en photo de rue
- 8- Travailler sur ses peurs
- 9- La démarche compte plus que le résultat
- 10- S’inspirer pour progresser en photo de rue
1- Progresser en photo de rue : une question de pratique
Une fois passées les joies primesautières des premiers clics, une question apparaît inévitablement : quels leviers puis-je actionner pour progresser en photo de rue ? On aura beau tourner le problème dans tous les sens, la première réponse se trouve immanquablement dans la pratique. Shooter, shooter, shooter. Encore et encore. Vous avez peut-être entendu parler de la théorie des 10 000 heures, selon laquelle se consacrer aussi longtemps à une pratique suffirait à atteindre l’excellence quel qu’en soit le domaine. Cette approche est certes grossière et exagérément simple, mais elle traduit bien l’intensité du labeur à fournir.
C’est le travail qui importe. Sans travail, le talent n’est qu’un feu d’artifice: ça éblouit un instant, mais il n’en reste rien.
Roger Martin du Gard
Certains photographes de rue préfèrent se consacrer à la pratique de manière absolue pendant de courtes et intenses périodes de temps. D’autres recommandent de se contraindre à prendre des photos quotidiennement. Bien sûr la pratique photo ne doit pas éroder la passion initiale, et il appartient à chacun d’identifier l’équilibre qui lui est adapté.
Dans tous les cas, ne nous laissons pas leurrer par les distractions en périphérie de l’image : il est autrement plus confortable de scroller un feed Instagram confortablement installé dans son canapé, plutôt que de prendre des photos sous la pluie. Pourtant, au bout du compte, quelle alternative mènera à des résultats de long terme ?
2- Analyser ses photos
Une attitude d’autocritique permanente est sans aucun doute un bon moyen de progresser en photo de rue rapidement. Si l’on navigue à vue sans aucune remise en question, il me semble impossible d’inscrire ses projets photographiques dans une dynamique de long terme. Il s’agit alors d’objectiver son travail pour en identifier les forces et les faiblesses.
Cela n’est pas tâche facile. En effet, il vous faudra dépasser l’attachement émotionnel que l’on porte à nos images, lequel n’est pas nécessairement relié à la qualité intrinsèque de son imagerie. Ne vous est-il jamais arrivé de rentrer d’une session photo complètement euphorique, avant de ressentir une profonde déception en triant des photos qui ne se révèlent pas aussi brillantes qu’attendu ? Il sera alors d’autant plus difficile de les laisser de côté, car on a toujours du mal à se débarrasser d’un bon moment, et on se retrouve inconsciemment influencé par le contexte dans lequel a été prise une image. La phase de sélection est un processus difficile qui génère parfois des crève-coeur. Je pense que ce travail de détachement est pourtant indispensable.
Une manière de capitaliser sur son expérience de shoot consiste à noter dans un carnet les constats effectués. En tirant des bilans réguliers au sujet de ces notes, on pourra mettre en évidence des tendances de moyen ou long terme.
3- Recueillir les bons feedbacks pour progresser efficacement
En sollicitant la communauté de photographes qui suivent mon travail sur Instragram pour une session de feedbacks, j’ai été surpris par l’intérêt suscité par la démarche. Plusieurs témoignages m’indiquaient que ce type de retour leur était inédit. Il est extrêmement difficile de recueillir un avis constructif sur son travail. Si l’on met de côté les réactions dithyrambiques d’un entourage déjà conquis, et les commentaires faciles et excessifs qu’on trouve sur Instagram, plateforme exclusivement dédiée aux réactions positives, il reste souvent peu de matière à un photographe pour progresser dans la bonne direction. Un avis n’a de pertinence qu’à l’aune de celui qui l’émet. Ce type de retour outrancièrement positif ne sera bien souvent utile qu’à nourrir inutilement l’ego, ou inciter à se complaire dans sa médiocrité relative.
Je ne peux que vous recommander de chercher à obtenir des avis éclairés et constructifs sur votre travail. Vous pouvez vous tourner vers un confrère ou une consoeur bienveillante ; vous pouvez également participer à des workshops avec des photographes experts ou suivre une formation ; vous pouvez enfin solliciter des experts d’autres domaines artistiques. Dans tous les cas, ce type de regard, exprimé dans la bienveillance mais sans détour, me paraît décisif en tant que facteur de progression. On vous posera les questions que vous n’osez pas vous poser. On vous aidera à travailler sur le détachement émotionnel à vos images.
Dans tous les cas, gardez en tête que quelle que soit la nature des feedbacks, prenez-en ce que vous jugez le meilleur pour vous. Un avis ne reste qu’un avis : ultimement, vous seul savez ce que vous voulez faire du matériau photographique. Ne bouleversez pas votre vision pour autant, profitez-en seulement pour l’enrichir. Cela dit, si il est émis par un maître, ce dernier a de très fortes chances de tomber juste : le jour où Alex Webb atomisera mon portfolio, je ne chercherai pas à discuter son analyse…
4- Structurer son travail pour mieux progresser
Lorsqu’on débute en photo de rue, on prend des images un peu au hasard de ce qu’on rencontre. Cette attitude résolument spontanée est rafraîchissante et il est fort souhaitable de conserver cet état d’esprit ouvert et sans idées préconçues. Toutefois, sur le moyen ou long terme, vient un moment où il apparaît nécessaire de donner du corps à son travail. C’est ce qui permet de lui donner du sens et alimente notre motivation à prendre des photos. Il s’agira d’identifier, à la lecture des notes prises en auto-feedback, et à l’observation minutieuse de son imagerie, ce qui relie nos photos entre elles. Pour pouvoir poser des mots sur des thèmes abordés spontanément, ou une sensibilité particulière à certaines situations. Il me semble que cette conscience d’une cohérence d’ensemble est un levier important pour progresser en photo de rue. C’est ainsi qu’on structure ses travaux, qu’on lui donne une direction, et qu’on la précise peu à peu.
La construction de son portfolio est à cet égard un processus passionnant. Il s’agit de dépouiller son travail pour en retenir la substantifique moelle. Celle qui suinte de ce que l’on recherche fondamentalement. Je pense que cette phase de structuration est incontournable si on souhaite inscrire son travail dans une dynamique de progrès. On peut en effet perdre son temps à prendre de bonnes photos qui n’ont pas forcément de sens pour nous-mêmes. Si cette considération atteint bien sûr ses limites dans un contexte commercial où il s’agit en premier lieu de répondre aux besoins d’un client, la photo de rue est le domaine de liberté ultime en photographie. Il me paraît indispensable de produire seulement les images que l’on veut faire. Ce qui suggère d’en comprendre précisément les modalités.
5- Comprendre ses motivations profondes
Quand on cherche à structurer son travail, on en vient toujours à un moment ou à un autre à cette question à la formule désarmante de simplicité : comprendre son pourquoi. Pourquoi je prends des photos ? Pourquoi je prends ce type de photo en particulier ? Pourquoi je fais le choix de photographier des inconnus ? Que poursuis-je fondamentalement au travers de l’objectif ? Je vis un peu l’acte photographique comme une forme de thérapie. J’apprends à laisser mon égo de côté pour me consacrer à l’observation du monde. J’apprends à me libérer d’une forme d’anxiété sociale en m’ouvrant au monde.
Quand j’ai commencé la photo, je ne comprenais pas le lien qu’il pouvait y avoir entre l’outil et soi-même. J’envisageais le médium comme un outil pour transcrire le monde. Avec l’expérience, j’ai peu à peu pris conscience de la puissance libératrice de la photographie. Quand je photographie, je transcris mon monde. Mon intérêt pour un cadre ou un autre transpire de ma sensibilité, de mon regard sur autrui, de mes références esthétiques. Bref, j’exprime par mes images mon identité, mon authenticité. Je pense qu’intimement, j’ai le besoin profond de structurer ma vie autour d’un cadre esthétique fort. Comme un écho à mon enfance bercée d’influences artistiques, musicales, picturales, théâtrales. Sans doute également pour apaiser les angoisses d’une réalité parfois dure et aride. Comme une évasion, porte de sortie transcendante qui fait vibrer.
6- Progresser en photo : une question d’objectifs
Savoir où l’on veut aller en photo est une chose, mais savoir comment y aller en est une autre. Il faut pour cela se fixer des objectifs. De grands objectifs de long terme, ambitieux et épanouissants. Décomposés en micro-objectifs, qui baliseront le chemin des cailloux blancs glanés comme des récompenses, pour alimenter la passion et éloigner les découragements. Un objectif trop élevé paraîtra irréalisable s’il ne se décompose pas en jalons intermédiaires. Pour cela je conseille de prendre des temps réguliers destinés à établir ces objectifs. Les débuts d’année civile et scolaire s’y prêtent par exemple car ils comptent parmi ces temps interstitiels qu’on identifie aisément comme des fins de cycle.
Pour ma part j’ai identifié plusieurs projets personnels relatifs à ma vie familiale, répondant à un pas de temps spécifique. J’ai l’ambition de documenter des moments intimes qui structurent profondément mon histoire de famille. Concernant la photo de rue, parmi mes objectifs de court terme figurent la participation à des concours ; à moyen terme, la mise en oeuvre de projets de série forts et structurants ; à long terme, l’exposition de mon travail et l’écriture d’un livre sur la photo de rue.
7- S’appuyer sur ses forces pour progresser en photo de rue
Quand on prend du recul sur son travail dans son ensemble, on parvient à identifier ses forces et ses faiblesses. Le cerveau a spontanément tendance à répondre à des signaux négatifs, si bien qu’on identifie volontiers les faiblesses de son travail. On voudrait compenser ses lacunes en portant l’attention à leur sujet. Pourtant est-il vraiment souhaitable de travailler prioritairement sur celles-ci, au risque de devenir moyen partout plutôt que de réellement progresser en photo de rue ? Pourquoi ne pas plutôt concentrer son énergie sur ses meilleures qualités ? Ce sont nos forces qui nous distinguent aujourd’hui, et qui nous distingueront sans doute demain. Ce sont nos forces qui esquissent notre style d’aujourd’hui et celui de demain.
8- Travailler sur ses peurs
Pourquoi ne progresse-t-on pas aussi vite qu’on le voudrait ? Sans doute en raison d’une flopée de peurs inavouables. Comme je l’évoque en détails dans cet article, la pratique de la photo de rue peut être tout à fait intimidante. Une peur répandue est bien sûr celle du jugement de façon générale. Un photographe de rue se comporte de manière étrange aux yeux d’un non-pratiquant, et son attitude peut même être considérée répréhensible par le profane. Il faut apprendre à se détacher du regard d’autrui, en acceptant de paraître ridicule ou incompris. Ce cheminement prend du temps, et n’est sans doute jamais totalement abouti, mais c’est le seul qu’il faut emprunter pour réellement s’épanouir en photographie dans l’espace public.
Chacun a en soi son lot de peurs qui l’accompagne derrière l’objectif. Parfois, elles sont grisantes : cette sensation d’avoir partagé un moment de proximité avec un inconnu en bravant la peur d’être remarqué, que Matt Stuart évoque dans son excellent dernier livre, penser comme un photographe de rue. Dans d’autres cas, ces peurs sont au contraires limitantes : s’interdire d’approcher son sujet par peur de rompre une intimité, redouter une éventuelle interaction, etc. Je pense qu’il est d’abord nécessaire de reconnaître ses propres peurs. Puis de faire le choix ou non de les affronter, et dans quelle mesure, en évaluant les conséquences créatives induites par ces décisions.
A titre d’exemple, j’ai un tempérament réservé, et je souhaite m’approcher davantage de mes sujets, ce qui m’expose à un petit combat intérieur contre mon anxiété. Pour autant je n’envisage pas une proximité extrême à la manière d’un Bruce Gilden. Cette approche serait contraire à ma nature. Il s’agit de trouver le dosage adapté pour vivre sa pratique de façon épanouissante sans mentir à soi-même.
9- La démarche compte plus que le résultat
La photo est aussi une affaire de chance. Toutefois une bonne image obtenue seulement par hasard n’est pas très gratifiante. Au contraire, on peut n’aboutir à aucun résultat concret, faute de cette pointe de hasard qui transcende une image, tout en s’inscrivant dans une éthique de travail favorable à la progression : travailler la rigueur des compositions, accroître son degré de conscience pendant l’acte photographique, etc. Ce qui importe pour se développer artistiquement à long terme, c’est de maintenir un état d’esprit persistant résolument tourné vers l’amélioration de soi. Les images-portfolio viendront quand elles viendront. L’essentiel est d’être prêt à les accueillir, dans le cadre d’une démarche positive et constructive indispensable pour réellement progresser en photo de rue.
10- S’inspirer pour progresser en photo de rue
Garder les yeux ouverts. Se nourrir d’influences diverses pour mieux affirmer sa propre vision du monde. Voilà un travail de fond qu’on aurait bien tord de négliger. L’inspiration est protéiforme, j’en parlais récemment ici. Elle ne s’arrête pas au domaine de la photographie bien sûr. Peut-être devrait-on même éviter de s’inspirer des photographes, pour éviter l’écueil de la copie, et pour adopter une approche résolument nouvelle et personnelle. Je vous laisse méditer sur cette citation très juste soufflée par un ami qui se reconnaîtra.
Beware of direct inspiration. It leads too quickly to repetitions of what inspired you. Beware of too much taste as it leads to sterility. Refine your senses through the great masters of music, painting, and poetry. In short, try indirect inspirations, and everything will come by itself.
Ernst Haas
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