Ma montre émet les vibrations calculées d’un réveil discret. Je bascule d’un geste furtif sur le bord du lit. Je contemple un temps la cime des arbres nus dont les branches méandreuses lacèrent la toile pourpre du demi-jour assoupi. Il est 5h30. A côté de moi, une respiration familière, gracile et cadencée. Je me lève d’un bond inaudible. J’entrouvre une porte dont l’intérieur noir et chaud m’indique ici, le sommeil est roi.

Me voici dans la cuisine. J’éveille le bouton de la machine à café. Son contour projette une lueur blafarde aussitôt mêlée à la teinte bleuie de l’écran de contrôle où s’envolent les chiffres galopants de la température.

89°C. Je ne sais plus bien à quoi cette température fait référence. Peut-être est-ce celle de mon cœur, gonflé et brûlant des joies légères d’un quotidien chéri ? Car je chéris ces instants si banalement répétitifs, barbants à faire bailler les téméraires. Ils me rappellent à mon bonheur d’être, à ma condition d’humain, dans sa plus pure simplicité. Par gratitude je les respecte et je les sublime. J’épure chacun des gestes, les libérant de toute interférence gesticulatoire. Je leur confère l’esthétique ultime de leur absolu dénuement.

C’est la photographie qui m’a éveillé à la sublimation du réel. Je lui en serai éternellement reconnaissant. En photographiant je vais au-delà du réel. Je le manipule, sciemment et précautionneusement, pour l’enluminer de sa plus belle parure esthétique. Je pense tous les détails, mû par une recherche d’évidence, celle qui nous fait dire ici, tout est en place ou ce qui est devait être.