La photo de rue
La pratique de la photo de rue (street photography pour nos amis anglo-saxons) est a priori simplissime : il suffit pour cela de sortir de chez soi et de presser le déclencheur. Pourtant, s’engager dans cette démarche n’est pas si simple. Au-delà des considérations autour du cadre légal de la discipline, le photographe de rue se questionne surtout à propos de la légitimité de la démarche. Il n’est en effet pas naturel de photographier en public. Le photographe de rue devra combattre les peurs auxquelles l’expose la pratique, tout en se dotant d’une éthique personnelle, respectueuse de la dignité de chacun et de sa propre sensibilité.
Si chaque lieu peut être inspirant, c’est sans doute près de chez soi qu’on débusquera les meilleures images. Pour ce faire, nul besoin d’un matériel complexe, ni de réglages particulièrement sophistiqués. Ce qui compte, c’est de trouver la bonne approche pour photographier une scène, nourrie par une intention propre.
La production d’une imagerie pertinente résultera en premier lieu d’une expertise du trio lumière, composition et moment, ce qui permettra au photographe de rue de tirer parti y compris de conditions météo a priori difficiles. En aval de la prise de vue s’opèrent la sélection et la retouche des photographies. Ce travail d’editing s’accompagnera utilement d’une réflexion plus globale sur ce qui structure une imagerie et lui fournit des pistes de travail. Celui-ci se doit d’être valorisé via les bons canaux de diffusion.
Le processus photographique inclut certes une part de chance, mais la créativité se stimule aussi par des inspirations multi-sources, destinées à faire émerger la voix intérieure du photographe de rue. Le cheminement photographique s’appuie sur des leviers de progression concernant la discipline en elle-même, mais il s’accompagne aussi d’une quête de soi potentiellement vectrice d’un sentiment d’épanouissement.
Sommaire
- Définitions et photographes de rue célèbres
- Pratique de la street photography : légalité et légitimité
- L’éthique du photographe de rue
- Dépasser ses peurs en photo de rue
- Les lieux de la pratique
- Le matériel pour la photo de rue
- Technique et réglages en photo de rue
- La prise de vue en photo de rue
- Photographier avec intention
- La lumière en photo de rue
- Techniques de composition en photo de rue
- Saisir l’instant décisif
- Gérer les conditions météo difficiles
- Sélectionner ses photos de rue
- Retoucher ses photos de rue
- Structurer son travail photographique
- Diffuser ses photographies
- La chance en photo de rue
- Inspiration et créativité
- S’améliorer en photo de rue
- Photo de rue et développement personnel
- Perspectives sur la photo de rue
Définitions et photographes de rue célèbres
Avant de détailler le processus en tant que tel, commençons par comprendre de quoi l’on parle en décrivant l’objet « photo de rue » et ses acteurs.
Qu’est-ce que la photo de rue ?
La photo de rue, ou street photography, désigne un mouvement photographique. Il s’agit d’enregistrer photographiquement les vibrations de l’espace public. La vision de la photo de rue est propre à chaque photographe, mais elle s’inscrit souvent dans le registre documentaire. Dans tous les cas, il est question de saisir des instants sur le vif, sans mise en scène.
Qu’est-ce que la photographie humaniste ?
Il s’agit d’une pratique photographique qui s’intéresse à l’être humain. Il est question de montrer ce que font et vivent les hommes et les femmes, qu’il s’agisse d’activités, d’interactions sociales ou de sentiments. La photographie humaniste a émergé à Paris dans les années 30, notamment pour répondre aux besoins grandissants de reportages services de presse. Dans la France d’après-guerre, elle exprime aussi la volonté de photographes tels qu’Edouard Boubat ou Henri Cartier-Bresson d’affirmer une forme de confiance et d’émerveillement envers le genre humain, en réaction aux horreurs de la guerre. Les photographes humanistes saisissent avec sincérité et authenticité le spectacle de la vie quotidienne.
C’est l’humanité qui m’intéresse, c’est la pulpe.
Henri cartier-Bresson
Qui sont les grands photographes de rue ?
A défaut d’apporter une réponse objective et exhaustive, voici quelques références parmi mes préférées :
- Noir et blanc : Brassaï, Robert Doisneau, Wily Ronis, Henri Cartier-Bresson, Marc Riboud, Tony Ray-Jones
- Couleur : Ernst Haas, Saul Leiter, Harry Gruayert, Alex Webb, Christopher Anderson, Gueorgui Pinkhassov
Quelles citations-clés à connaître ?
- « Le style ne résulte pas de l’application d’une formule, mais il a un ingrédient secret. C’est l’extension de votre personnalité. » – Ernst Haas
- « Saisir les gestes ordinaires de gens ordinaires dans des situations ordinaires. » – Robert Doisneau
- « La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d’être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n’existent plus. » – Marcel Proust
- « La photographie est une réponse immédiate à une interrogation perpétuelle. » – Henri Cartier-Bresson
- « Les artistes moyens copient leurs pairs, mais le vrai grand geste artistique réside dans l’impudeur de voler de ses propres ailes et de s’en sortir. » – Dora Maar
- « La photographie est la littérature de l’oeil. » – Remy Donnadieu
- « La photographie ne peut pas changer le monde, mais elle peut montrer le monde, surtout quand le monde est en train de changer. » – Marc Riboud
- « Faire une photo, c’est à la fois chercher un contact et le refuser, être en même temps le plus là et le moins là. » – Harry Gruyaert
- « Que je photographie loin ou près de chez moi, j’essaye d’adopter un sens de la découverte » – Alex Webb
- « Il ne faut pas un grand courage pour manger des glaces à la fraise quand on aime ça. » – Saul Leiter
- « La photographie n’est pas une représentation fiable de la réalité » – Philip-Lorca diCorcia
Quels photographes de rue contemporains suivre ?
Parmi les photographes qui ont émergé à l’âge d’or d’Instagram (vers 2015-2016), on peut citer Craig Whitehead, alias sixstreetunder pour ses compositions graphiques très rigoureuses, joshjack pour l’atmosphère hypnotique du quartier de Soho la nuit, Shane Taylor pour ses portraits de rue doucement surannés. Gustavo Minas, Ilker Karaman, Valérie Six-Louis sont d’autres références incontournables.
Pratique de la street photography : légalité et légitimité
La pratique de la photo de rue est souvent controversée, sans doute parce qu’elle interroge les limites de la sphère privée des personnes photographiées.
Pourquoi photographier dans la rue ?
Chacun a ses raisons propres de photographier, et il lui appartient de les découvrir. Photographier l’espace public n’est pas anodin : il s’agit de se confronter au monde et d’en témoigner. Il est question de chercher à capturer des instants en dehors d’un entourage intime, sans que quiconque que soi-même l’ait demandé. Peut-être est-il question de se confronter à soi-même, à ses propres peurs, à l’instar d’une forme d’anxiété sociale ?
Ai-je le droit de photographier dans la rue ?
Chaque pays a ses propres règles en matière de droit à l’image. En France, vous avez le droit de photographier dans la rue. C’est la diffusion des images qui peut poser problème, en particulier si les sujets sont clairement identifiables et si la photographie peut leur porter préjudice. Si l’on applique la loi de façon stricte, il faut obtenir un accord écrit de chaque personne photographiée reconnaissable avant de pouvoir diffuser.
La pratique de la photo de rue est-elle dangereuse en France ?
Pas plus qu’ailleurs. Toute est une question d’attitude. Si vous adoptez un air humble et serein, et que vous évitez de « forcer » des photographies quand vous sentez un malaise, une défiance ou un rejet, il n’y a aucune raison de se sentir en insécurité. C’est l’expérience qui aide à « sentir » si vous êtes légitime à investir une scène ou non.
Est-il plus difficile qu’avant de faire de la photo de rue aujourd’hui ?
L’âge d’or de la photo de rue serait révolu. Il serait impossible de la pratiquer aujourd’hui. Ces propos me semblent faciles à tenir, justifiant une inaction fataliste. Certes, la volonté de contrôle de son image est sans doute plus perceptible aujourd’hui que par le passé.
Aujourd’hui, les gens sont très conscients de leur image
Sabine Weiss
Mais la photo de rue a toujours revêtu un caractère transgressif par rapport aux normes sociales, invitant les photographes à prendre une posture marginale, inconfortable à tenir, exigeant de déployer ruses et artifices pour ne pas être « pris ». Henri Cartier-Bresson se percevait comme un saltimbanque voleur d’images, saisissant sur le vif des photographies « comme des flagrants délits ».
Que répondre si on nous interpelle ?
Il « suffit » d’expliquer ce que vous êtes en train de faire. L’acte photographique n’est pas répréhensible en soi. Si le geste est discret (sans pour autant être dissimulé) pour sauver l’authenticité du moment, ce n’est pas le cas de la photographie engendrée. Tout est une question d’éthique : si l’intention photographique est moralement acceptable, le public la percevra positivement. Une parole justifiant l’intérêt pour le sujet, souvent flatteuse (car il est généralement flatteur d’être jugé digne d’une photographie) désamorcera tout début de controverse.
L’éthique du photographe de rue
Chaque photographe a sa vision de la photo de rue, qu’il s’agisse du rythme de la pratique comme de sa nature. Ce qui est digne d’une photographie pour l’un ne le sera pas pour l’autre. Dans tous les cas, la pratique doit s’envisager avec humanité, dans le respect de la dignité de chacun.
A quelle fréquence pratiquer la photo de rue ?
Il n’y a pas de raison de ne pas répondre : tous les jours. Pour autant, s’imposer une telle discipline suggère d’avoir beaucoup de temps à consacrer à la pratique. Il faut réussir à créer des habitudes, comme pour pratiquer n’importe quelle autre discipline. L’acte photographique est spontané mais on peut jouer sur le cadre de la pratique elle-même. Cela ne sera pas forcément idéal : les temps de pratique retenus a priori ne seront pas nécessairement cohérents avec les conditions de la pratique (lumière, énergie, état d’esprit). Mais au moins, ces temps dédiés auront le mérite d’exister.Il faut se fixer un objectif réaliste et compatible avec son emploi du temps par ailleurs.
Une piste est d’inscrire concrètement des temps dédiés dans son agenda, histoire de ne pas se poser la question d’avoir ou non la flemme. Dans tous les cas, il faut savoir écouter ses envies, car la seule contrainte peut épuiser la motivation. Les temps de pause aident eux aussi à faire mûrir la réflexion photographique.
Peut-on tout photographier ?
On peut tout photographier dans les limites de sa propre morale. Chaque photographe a sa propre vision de la photo de rue, et une déontologie associée. Au-delà des considérations autour de la légalité des opérations de prise de vue (prêter notamment vigilance aux espaces privés tels que le métro), certains photographes sont mal à l’aise avec le principe d’images saisies à la volée sans autorisation préalable : ils le voient comme de l’incorrection. D’autres revendiquent de façon parfois un peu trop brutale le droit à photographier dans la sphère publique. Chaque photographe a son éthique. Il faut se respecter soi-même, et sentir quelle situation est digne d’une photographie ou non.
Une bonne pratique est de ne jamais abuser de la faiblesse d’autrui, et de ne pas nuire ou porter préjudice à quiconque. L’éthique du photographe se construit en miroir de ses aspirations fondamentales : il doit s’interroger sur le pourquoi de sa démarche. En tous les cas, il ne faut pas trop réfléchir dans l’instant, pour préférer s’en remettre à son instinct : l’heure du tri propose un second filtre, propre à opérer de nouveaux arbitrages.
Peut-on photographier des sans-abris ?
Le traitement photographique des sans-abris fait débat. Certains se l’autorisent, d’autres non. Si l’on a des raisons éthiquement valables de photographier un sans-abri, il ne faut pas s’en priver. Les sans-abris sont invisibles dans la société, pourquoi leur réserver le même sort photographique ? Ce qui compte, c’est de respecter la dignité de l’être humain.
Faut-il shooter sur le vif à tout prix ?
La photo de rue est la discipline photographique libre par excellence. Si on ressent le besoin de demander un portrait de rue, il n’y a pas de raison de s’en priver. Toutefois, on s’écarte un peu de l’esprit de la photo de rue, qui porte en elle des valeurs d’authenticité et de spontanéité. L’objet de la photo de rue n’est pas d’instrumentaliser le réel mais d’en témoigner… au travers de la vision du photographe.
La photo de rue comme discipline holistique
La pratique de la street photography impose de prendre le temps, pour pratiquer et pour saisir les clichés, ce qui relève d’une posture plus générale que l’acte en lui-même : il s’agit d’apprendre à ralentir. C’est un défi dans le monde d’aujourd’hui qui nous pousse au calcul et à l’optimisation de chacun de nos agissements. Photographier c’est observer. Observer, c’est ralentir. C’est se poser et regarder autour de soi en acceptant de marquer une pause, pour être attentif aux battements du monde.
Dépasser ses peurs en photo de rue
La photo de rue est difficile car elle nous confronte à un certain nombre d’appréhensions ou d’anxiétés, à la fois en termes de posture et d’approche.
Comment oser photographier un inconnu ?
Il est facile de répondre : en le faisant. Pourtant, c’est bien par la pratique qu’on banalise l’acte de photographier un inconnu. Il est peut-être préférable de s’engager dans la démarche progressivement : commencer par cadrer des plans larges intégrant une silhouette ; décaler peu à peu l’angle de vue jusqu’à aborder les sujets de face, en maintenant l’usage d’une focale courte. Cela peut sembler paradoxal, mais il est certainement plus simple de photographier en étant près de ses sujets, plutôt que de cadrer de loin avec une focale longue. Avec du recul, l’intention d’isoler un sujet « se voit ». De près, on se confond dans la foule, et on peut invoquer un intérêt pour l’ensemble d’une scène, plutôt qu’un personnage en particulier.
Comment s’approcher de ses sujets ?
Certains photographes revendiquent leur légitimité en flashant des sujets à quelques centimètres, dans les traces d’un Bruce Gilden. Cette approche spectaculaire, dont l’apparente brutalité n’a rien à voir avec l’intention humaniste et sensible dans le cas de Bruce Gilden, est pour le moins intimidante. Si l’on ne sent pas capable de s’affirmer d’une manière manifeste, on peut faire usage de subterfuges : faire mine de prendre une vidéo, fixer un sujet situé derrière celui qui nous intéresse, shooter à l’aveugle… Les techniques sont nombreuses, et chacun mettra au point ses propres recettes. Toutefois, il en est une qui me semble incontournable : ne pas croiser le regard du sujet. Il faut pouvoir se laisser le bénéfice du doute. Bien sûr, si vous sentez que vous êtes démasqué, ne niez pas votre intention, engagez la conversation.
Comment ne pas se faire remarquer ?
La première chose à faire est de banaliser son apparence. Évitez les tenues excentriques qui attirent les regards, privilégiez la sobriété. S’il vous faut en choisir une, préférez l’accoutrement du touriste, qui éveille la sympathie quand il s’émerveille d’un rien. Un matériel discret vous rendra plus facilement transparent. Davantage que l’apparence, c’est surtout l’attitude qui permet de se faire oublier. Ce que renvoie le langage du corps exerce une influence décisive sur la capacité à se faire « accepter » dans l’espace public.
Il s’agit d’adopter une posture ouverte et souriante, comme quelqu’un qui n’a rien à dissimuler, ce qui est le cas. Éviter les gestes brusques est une bonne façon d’agir.Une attitude renfermée ponctuée de regards dérobés n’inspirera que de la défiance. Les regards trop insistants ou signes de nervosité sont évidemment à proscrire. Il est question d’assumer son statut de photographe. Il faut voir vite mais bouger lentement, de manière fluide, pour ne pas éveiller l’attention autour de soi. Quoi qu’il en soit, l’habitude de la rue est la meilleure alliée.
Comment ne pas stresser en photo de rue ?
Il faut réussir à se détacher du jugement des autres. Le plus souvent, les principaux motifs de stress sont liés à ce que l’on va penser de nous. Un photographe prend des postures ridicules et se comporte de manière inhabituelle. Il finira forcément par être remarqué, même s’il cherchera toujours à se faire oublier. Il faut accepter cela. On relèvera des réactions de désapprobation, il y aura des incompréhensions, il y aura des regards étonnés ou interrogateurs. Certes. Et qu’est-ce que cela change ? Si photographier est ce qui nous plaît, qu’importe : ce n’est pas le regard d’autrui qui légitime notre pratique.
La photo de rue ne sera d’ailleurs jamais complètement légitime ; elle est même souvent sujette à controverse dans l’esprit du public (a-t-on le droit de photographier ? pourquoi photographier ? etc.). Il faut aussi relativiser l’enjeu autour de la pratique : le but du jeu est de s’amuser à enregistrer les palpitations du monde. Il ne s’agit jamais que de cela.
Je crois également qu’il ne faut pas forcer son état émotionnel : la photo de rue ne peut s’aborder qu’en adoptant une dynamique enthousiaste. Un état intérieur tourmenté, caractérisé par une attitude défaitiste, revancharde ou hostile, se sent immédiatement, et il sera impossible de sortir de bonnes images dans de telles conditions. Si la perspective de la pratique inspire un tel état d’esprit, il est préférable de reporter ce projet à plus tard.
Les lieux de la pratique
Si on peut photographier n’importe où, c’est l’exploration des lieux déjà connus qui favorisera souvent la production des images non évidentes, riches et complexes.
Où puis-je pratiquer la photo de rue ?
La photo de rue, c’est la liberté. Tout espace peut s’y prêter dès lors qu’on observe attentivement. Toutefois, selon le style photographique ou les sujets recherchés, certains lieux sont plus favorables que d’autres. Les lieux de passage, abondamment fréquentés, apportent leur lot d’opportunités, d’autant qu’on se fond plus facilement dans une foule que seul dans un lieu désert. Les gares ou les marchés en sont de bons exemples.
Faut-il voyager pour faire de bonnes photos de rue ?
Non. Photographier, c’est apprendre à voir. On peut se laisser attirer par la nouveauté, en saisissant la surface des choses sans en explorer la profondeur. On ne produira que des images de façade, des photographies-cartes postales qui décrocheront des « j’étais là ». Je crois qu’il faut viser les « j’étais ». Photographier, c’est être, à soi-même et au monde. L’essentiel est de savoir re-voir : revoir l’habituel, le banal, le commun.
Mon quartier n’est pas photogénique, que faire ?
C’est faux. J’admets que cette réponse lapidaire est provocatrice. Toutefois, je crois sincèrement qu’il y a partout des beautés à saisir, et que l’enjeu réside dans la difficulté qu’il y a à les voir. La photographie offre un champ créatif infini. A nous d’en explorer les ravissements.
Faut-il revisiter les mêmes lieux ou chercher de nouveaux spots ?
Il est beaucoup plus difficile de redécouvrir les lieux déjà connus. Mais paradoxalement, c’est sans doute là qu’on y fait les meilleures photographies, car on dépasse les poncifs en creusant au-delà de la surface des choses. Pourtant, on ne peut pas toujours évoluer dans la difficulté : le rafraîchissement de l’inconnu peut lui aussi stimuler la créativité, tout en alimentant le plaisir de la pratique.
Le matériel pour la photo de rue
Le photographe de rue peut se contenter de peu. Si un appareil photo contemporain fait peu de différence d’une marque à l’autre, le choix de l’objectif procède d’une réelle intention artistique.
Quel appareil utiliser pour la photo de rue ?
Celui que vous avez. Il faut vraiment arrêter de se cacher derrière les questions matérielles. Sur la toile, on ne voit que des tests d’appareils photo. On a l’impression qu’il y a 5 ou 10 ans, le matériel était indigent. Il n’en est rien. Vous avez vu l’imagerie de Raymond Depardon ou de Ernst Haas ? Leur matériel serait considéré comme affligeant aujourd’hui. Tous les appareils photo aujourd’hui sur le marché sont ultra performants. Le matériel n’est plus un sujet.
Quel objectif photo utiliser en street photography ?
Une focale standard offre de la polyvalence : un 35 mm ou un 50 mm sont de bonnes options. Le 35 mm force à faire ce pas de plus qui peut être intimidant, mais il propose une plus grande « sécurité » sur la mise au point, car la plage de netteté est plus vaste à ouverture donnée. Le 28 mm propose un champ plus large : c’est une question de préférence, mais aussi de style photographique. Cet objectif peut être très adapté pour produire des images riches, fourmillantes, multi-plans. Il faut accepter pour cela de se tenir très près des sujets. Le 85 mm est beaucoup moins polyvalent, mais il autorise le jeu sur le flou d’arrière-plan et la compression des plans.
Peut-on faire de la photo de rue au smartphone ?
Le matériel n’est qu’un outil. Il faut choisir l’outil adapté pour servir sa vision créative. Le smartphone a plusieurs atouts pour la photo de rue : il est discret, en particulier car il ne permet pas dès l’abord d’être identifié comme un photographe. Il est en effet devenu banal de photographier n’importe quoi à tout va à l’aide de son smartphone. On peut également l’avoir toujours sur soi, une propriété fondamentale. Par contre, il ne permet pas de faire des réglages fins et ne s’adapte pas à toutes les situations. On ne pourra pas jouer sur la profondeur de champ par exemple, ni pratiquer la photo de rue nocturne facilement. Quand les conditions sont standard (par exemple lors d’une journée ensoleillée) et si l’on accepte de renoncer à certains contrôles (par exemple ne pas jouer sur la zone de netteté), la photo au smartphone peut être une option idéale.
Dois-je investir dans une charte des gris ?
Oui quand on photographie en Jpeg en lumière artificielle. L’enjeu est d’obtenir à la prise de vue une balance des blancs juste. En effet, la latitude de correction en post-traitement de cette dernière est faible en format Jpeg. Le calcul automatique de la balance des blancs tombe souvent juste en lumière naturelle, mais cela est moins vrai pour les lumières artificielles. Cela dépend bien sûr de son matériel.
Pour ma part, le rendu du blanc est trop jaune en balance des blancs automatique sous éclairage tungstène. Il s’agit dans ce cas de calculer soi-même sa balance des blancs (balance des blancs personnalisée dans les options du boîtier), ce que permet une charte des gris. Je ne suis pas un ayatollah de la précision colorimétrique, mais je trouve cette méthode vraiment fiable dans ce cadre, et sous les conditions que je m’impose, à savoir shooter en Jpeg. Cette opération n’est pas indispensable quand on shoote en format Raw, ce format offrant une pleine latitude pour corriger la balance des blancs a posteriori.
Technique et réglages en photo de rue
La technique en photo de rue s’acquiert rapidement : l’enjeu principal est de connaître par cœur ses réglages pour gagner du temps et se concentrer sur la photographie.
La technique photo est-elle importante en street photography ?
Il faut développer une méthode pour réagir vite. On peut lire ce qu’on veut sur le sujet, mais je crois qu’au fond le bonne technique est celle qu’on s’est appropriée. Ce qui fonctionne pour un photographe ne fonctionnera pas forcément pour un autre. Il vaut mieux ne pas changer de matériel, afin de se laisser une chance de le connaître par cœur, et de s’approprier les réglages les plus rapides. Il faut vraiment penser à la finalité recherchée. La technique n’est qu’un outil pour produire une photographie. En photo de rue, il est impérieux d’être rapide. Il faut donc adapter sa maîtrise technique en conséquence, histoire de se concentrer sur le seul processus créatif.
Quels réglages photo utiliser pour la street photography ?
f8 and be there.
Weegee
Cette citation un peu provocante d’un célèbre photographe de rue incite à ne pas trop se préoccuper de la technique. Je trouve cela assez juste. Par défaut et par beau temps, f8, iso 200, 1/1000ème de seconde constituent un jeu de paramètres qui fonctionne souvent. En tout cas, il peut s’agir d’une base autour de laquelle effectuer des variations. Je conseille de toujours surveiller les hautes lumières, pour éviter les zones cramées. Je trouve par ailleurs que le principal enjeu technique est la mise au point. Il faut pouvoir réagir vite et on n’a pas toujours le temps de peaufiner les réglages. C’est pourquoi un diaphragme assez fermé est une bonne idée, de façon à optimiser la plage de netteté. On peut d’ailleurs lui associer une mise au point manuelle, en s’aidant du coup de pouce du focus peaking qui identifie en surbrillance les zones nettes.
Un flash est-il utile en photo de rue ?
Certains photographes en font usage. C’est une question d’approche et de style. Je ne suis pas un mordu de cette technique, dont je ne fais pas usage dans la rue, pour des raisons éthiques (la discrétion) et esthétiques (le rendu du flash). Mais je dois reconnaître que les photos de rue de Philip-Lorca diCorcia au flash sont spectaculaires. Par ailleurs, la maîtrise du flash peut être utile en photo de rue car elle exige de comprendre en profondeur la lumière : l’acquisition de cette technique rend le regard plus attentif à ce qu’est une lumière pertinente.
Faut-il shooter à l’écran ou au viseur ?
C’est une question d’habitude. Le contrôle est total au viseur avec un appareil photo hybride, surtout quand la lumière est forte. Par contre, cette méthode est moins discrète qu’à l’écran, car elle implique une confrontation directe avec le sujet. Toutefois, il reste possible de travailler sur la discrétion y compris au viseur.
C’est le cas en particulier lorsqu’aucun réglage complémentaire n’est nécessaire. Vous shootez en manuel et la lumière est stable ; la mise au point est elle aussi manuelle et vous travaillez à un angle de rue des compositions multi-plan dans le style d’Alex Webb, par exemple en fermant à f16. Dans cet exemple, vous pouvez shooter à une main en portant l’appareil photo à l’oeil quand c’est nécessaire et en déclenchant. Je trouve que c’est un bon moyen d’obtenir des compositions vraiment précises sans être perturbé par les reflets de la lumière disponible.
Faut-il shooter en rafale ?
Oui. Je trouve dommage de ne pas s’autoriser des opportunités supplémentaires à moindre coût. La force d’un moment se joue à quelques dixièmes de second. Bien sûr, shooter en rafale n’est pas une bonne raison pour shooter n’importe comment en espérant obtenir quelque chose dans le lot. Pour être pertinente, la démarche doit s’accompagner d’un processus de construction photographique très rigoureux.
Jpeg ou raw ?
Jpeg. Pour de multiples raisons :
- Ralentir les temps de chargement ;
- Simplifier la post production ;
- Élever son degré d’exigence à la prise de vue ;
- Parce qu’une impression A3 Jpeg est fantastique jusqu’à preuve du contraire ;
- Se concentrer sur le processus photographique sans s’embarrasser d’une surcharge de détails techniques.
La prise de vue en photo de rue
Il y a plusieurs manières d’aborder une scène de rue. Quelle que soit la méthode, elle comporte une part d’instinct : le photographe de rue doit apprendre à « flairer » les potentielles opportunités.
Comment m’y prendre pour photographier une scène ?
Il faut procéder par itérations successives. Commencer par composer un premier cadre, puis l’adapter à une recherche du meilleur équilibre. On ajoute des détails ou on en retranche, on tourne autour du sujet, on varie les angles par micro-ajustements. Le but est de vider la scène de toute sa substance pour n’avoir aucun regret et disposer du matériau le plus exhaustif dans la perspective de la sélection. Photographier, c’est donc faire preuve d’engagement et de dynamisme autour du sujet… Tout en opérant discrètement. L’équilibre est parfois difficile à trouver : c’est l’expérience qui nous y aide.
Qu’est-ce que la technique du chasseur ?
Il s’agit de faire preuve d’opportunisme en réagissant aux actions qui émergent au passage du promeneur photographe. Cette technique est plutôt réservée aux photographes les plus impatients, qui rechignent à rester en place à attendre. Il faut faire preuve de rapidité et d’instinct pour capturer au vol des fragments de vie.
Qu’est-ce que la technique du pêcheur ?
Cette méthode exige beaucoup de patience. Elle consiste à choisir un cadre, puis à attendre que des éléments additionnels viennent compléter ce cadre. Par exemple, on composera une image structurée autour de teintes de bleu, espérant voir débouler ce passant vêtu d’une note rougeoyante. Cette technique ne paye pas toujours car elle comporte une forte part d’aléas, mais elle est gratifiante pour qui se montre suffisamment discipliné à attendre.
Qu’est-ce que la technique du poursuivant ?
Le poursuivant est un photographe qui se laisse séduire par un sujet. Il ne le lâche pas d’une semelle, en prenant garde à ne pas éveiller les soupçons, jusqu’à ce qu’il s’accorde à son environnement. La quête est incertaine et peut s’avérer très longue, mais elle peut mener à de belles surprises.
Comment sentir le potentiel d’une scène ?
A force de pratiquer. Plus on passe de temps dans la rue, plus on apprend à anticiper si une scène a le potentiel d’offrir une image. Quand on identifie un moment décisif, il est déjà trop tard. Le photographe de rue doit disposer de ce temps d’avance, en opérant des projections sur ce qu’il pourrait advenir. Quand on débute la pratique on veut tout photographier. Puis petit à petit, l’expérience aidant on devient plus sélectif et on apprend à reconnaître si le travail d’une situation vaut le coup en capitalisant sur son vécu photographique. Bien sûr, on ne pourra jamais en être complètement sûr, et les échecs font évidemment partie de la pratique photographique. Mais on apprendra à dépenser son énergie plus efficacement, en concentrant les efforts sur les scènes qui en valent la peine.
Faut-il suivre son instinct ?
Oui. En tout cas, au commencement de l’acte créatif. Car d’où vient l’idée ? Elle procède d’un processus inconscient, pleinement spontané. Il me semble que la grande difficulté est d’écouter son instinct, et d’y réagir sans poser de jugement. Si on est attiré vers quelque chose, c’est sans doute pour une bonne raison. Plus tard, lors de la post-production, on pourra arbitrer sur le bien-fondé de la démarche. Mais cette discussion ne doit pas avoir lieu pendant l’acte photographique. Il faudrait donc chercher à se relier davantage à soi-même, à se faire confiance. Une fois l’idée suivie, on peut alors chercher à la clarifier en engageant le laborieux travail qui essore la scène jusqu’à son dernier souffle.
Photographier avec intention
Une photographie de rue n’est intéressante qu’à condition de tenir un propos. S’il est nécessaire d’aborder la rue avec fraîcheur et ouverture, l’idée d’une photographie doit être mise en œuvre au moyen d’une intention claire.
Que photographier dans la rue ?
Soi-même. Peu importe ce que l’on prend en photographie, on s’intéresse à ce qui nous touche, à ce qui nous ressemble, à ce qui fait écho à nous-même. Photographier, c’est révéler son identité profonde. C’est établir un dialogue avec soi-même, pour montrer sa vision du monde.
Comment trouver des sujets intéressants malgré les téléphones portables ?
Photographier un sujet qui consulte son smartphone est trop « facile » car il n’a pas notre attention, et la démarche n’a pas d’intérêt en soi. Je ne dis pas qu’une image doit être nécessairement difficile pour être réussie ; mais elle s’obtient rarement sans effort. Concernant le traitement du fait de société « les yeux rivés sur son écran en pleine rue », on ne peut que l’accepter. Il faut alors en jouer photographiquement : en montrant un effet mimétique, en photographiant l’envers des selfies, en suggérant la force émotionnelle d’un appel téléphonique par exemple. Comme pour tout autre sujet, il faut à tout prix éviter les poncifs.
Comment photographier l’émotion ?
Certaines émotions se manifestent de façon évidente : le rire, les larmes, la peur… Il suffit alors de les voir pour les saisir, à conditions que le photographe soit rapide et que l’émotion ne soit pas trop fugace. Mais le plus souvent, les êtres humains laissent transparaître des émotions plus subtiles, atténuées par la pudeur, les conventions sociales, ou tout simplement par l’apparition d’émotions complémentaires ou alternatives. Il faut avant tout faire preuve d’empathie envers ses sujets et d’un sens aigu de l’observation, qu’on développe avec l’expérience.
D’une seconde à l’autre, l’état émotionnel d’un être humain subit d’infimes variations qui peuvent radicalement changer la charge émotionnelle d’une image. En étant pleinement investi dans l’acte photographique, on parvient parfois à saisir ces variations subtiles et à identifier lesquelles sont les plus signifiantes.
La prise de portraits de rue, par exemple au 85 mm, en mode rafale, est à ce titre très éclairante. Elle permet, par l’analyse comparée des clichés obtenus, de prendre conscience du besoin de précision du photographe autour de l’instant fort, qu’on pourrait qualifier de « décisif » au sens de son intensité émotionnelle.
Comment raconter une histoire en photo de rue ?
La notion de storytelling est souvent utilisée à tort et à travers en photographie. La structure narrative d’une image est très difficile à construire : on n’a pas le temps de déplier le propos comme on peut le faire au travers d’une série photographie, ou au cinéma. Si l’on s’en tient aux images « uniques », qui se suffisent à elles-mêmes, « l’histoire « relève souvent d’une impulsion infime, presque insignifiante. Plutôt que de raconter dans le détail, on provoque une réaction on suggère, on éveille à un questionnement, on ouvre sur un imaginaire. La photographie est une porte d’entrée sur une « idée », plus grande qu’elle, qui résonne au-delà de la représentation. Raconter une histoire en photo de rue, c’est identifier ces instants d’insignifiance porteurs de micro-narrations. C’est par l’observation, quotidienne, systématique, persistante, qu’on y parvient.
Comment prendre un portrait de rue ?
Il y a une infinité de manières d’aborder le portrait en photo de rue : il est tributaire de l’intention du photographe et de son éthique.
- L’approche évidente est celle qui cherche à isoler un sujet. On préfèrera les focales longues, à l’instar d’un 85mm. Elles sont flatteuses pour les traits, alors que les focales courtes déforment les perspectives. On privilégiera l’orientation portrait. On demandera ou non l’autorisation au sujet, mais l’esprit de la photo de rue est plutôt celui de l’instant « volé ».
- Une autre approche chercher à relier le sujet à ce qui l’entoure. On parle souvent de « portrait environnemental ». Le 35 mm est une focale adaptée pour cela, de même que l’orientation paysage.
Quelle que soit l’approche envisagée, l’opération est toujours un peu inconfortable : on affirme l’intention de photographier un inconnu, d’une manière plus évidente qu’en figeant des scènes de rue plus générales. Mais en contrepartie ce sentiment d’inconfort s’accompagne souvent de l’adrénaline de la subversion et du défi. Il faut en tout cas oser porter le viseur à l’œil : la première fois sera fébrile ; au fil du temps, le geste deviendra de plus en plus sûr. En photographie, l’expérience prévaut souvent sur tout le reste.
La lumière en photo de rue
Si tout photographe se délecte de la fameuse golden light, la recherche de ce type de conditions ne doit pas pour autant contraindre la pratique.
Quand trouve-t-on la meilleure lumière ?
C’est à l’occasion du lever et du coucher de soleil que la lumière est réputée la meilleure, car elle est douce et chaude. De façon générale, plus les rayons sont rasants, mieux c’est. C’est pourquoi les lumières d’hiver, où le soleil reste bas dans le ciel, sont imbattables : par beau temps, la lumière est bonne toute la journée. A l’inverse, le zénith estival fournit des lumières blanches et dures qui créent de violents contrastes. Outre la sacro-sainte golden light naturelle, d’autres sources de lumière, artificielles cette fois, peuvent être flatteuses, en particulier la nuit. Il faut apprendre à observer le rendu de ces sources au cas par cas.
Comment gérer la lumière ?
En lumière naturelle, on ne peut pas jouer sur la qualité de lumière, son intensité ou sa direction. Ces paramètres s’imposent à nous. Par contre, on peut adapter notre point de vue par rapport à la source de lumière : de face, de côté, à contrejour. Il faut observer comment la lumière tombe sur le sujet, en cohérence avec l’intention photographique recherchée. Une manière de le faire est de plonger sa main dans la lumière et de regarder comment elle la « brosse ». Pour obtenir des expressions intéressantes, il faut éviter les situations où vos personnages photographiques sont perturbés par la source de lumière : en particulier, le froncement des sourcils est à surveiller.
Faut-il shooter exclusivement avec la golden light ?
Quand on feuillette un livre d’Alex Webb, comme The suffering of light, on est bluffé par les lumières. La plupart des images sont saisies avec une lumière d’une qualité hallucinante, souvent pendant la golden light. Il n’y a pas à tourner autour du pot, ce type de lumière est imbattable. Aucun photographe n’est en mesure d’exprimer spontanément une préférence pour la lumière blanche de l’été en plein zénith, ou l’éclairage fade d’un ciel nuageux (quoi que, eu égard à ses propriétés d’uniformité ?).
Pourtant, est-ce à dire qu’il faut se « réserver » pour ce type de conditions ? Cette réponse est trop facile. La photographie offre de nombreux sources d’accomplissement. Certes, valoriser une magnifique lumière est délectable. Mais on ne peut pas attribuer la force d’une image à sa seule lumière. Une image qui interpelle peut l’être à de nombreux égards. Une chose est sûre : il faut batailler pour tirer le meilleur de la lumière disponible, quelle qu’elle soit.
Peut-on sortir des images en pleine journée ?
Sans aucun doute. Souvent, les contraintes nous forcent à voir autrement et à adopter des postures plus créatives. Il faut détourner la contrainte d’une lumière dure pour la tirer à son avantage. Par exemple, ce type de lumière très contrastée autorise les compositions géométriques, structurées autour des lignes franches que dessinent les ombres. Les portraits en silhouettes sont également aisés à exécuter dans un contexte de fort contraste lumineux.
Techniques de composition en photo de rue
Le photographe de rue mobilisera un éventail d’outils de composition pour valoriser son sujet, dans le souci constant d’une convergence entre la forme et le fond.
Comment créer des images à fort impact visuel ?
Il faut d’abord penser aux lignes. On peut voir la photographie comme une pure abstraction géométrique, un assemblage de formes, de masses reliées entre elles. Si ces éléments s’agencent entre eux de façon équilibrée, ils produiront une image efficace. Il me semble qu’il faut rechercher des compositions dynamiques si l’on veut produire des photographies percutantes. Les diagonales sont une bonne manière d’y tendre. Ces considérations autour de la composition doivent bien sûr coïncider avec l’expression d’un propos afférent : la résonance des formes doit faire écho à celle du fond.
Comment faire une photo de silhouette ?
Il faut identifier un fond clair en arrière-plan, et exposer pour ce fond, de façon à ce que les zones plus sombres deviennent noires. Outre ce fond clair, il faut repérer une zone d’ombre en avant-plan. Quand un personnage traverse la zone d’ombre, il apparaît en silhouette.
Dois-je continuer à faire des photos de silhouette ?
La photo de silhouette a en soi peu d’intérêt. C’est un artifice qu’utilisent beaucoup de photographes, de façon parfois assez systématique. Je pense qu’il faut toujours s’interroger sur l’intention d’une photographie, et faire usage d’une technique ou d’une autre dans le seul but de servir un propos. La photographie n’est pas un sport : il n’est pas question d’accomplir des performances en multipliant des gestes techniques ; il est question de défendre une vision créative.
Comment faire des compositions graphiques ?
Il faut envisager le cadre comme un pur jeu de lignes. Repérer les triangles peut être une manière de construire de telles compositions. Les triangles structurent et dynamisent en effet le cadre. Une astuce un peu cavalière consiste à shooter « à l’envers ». Si la photographie devient une abstraction graphique, pourquoi ne pas jouer plein jeu en s’affranchissant des références au réel, pour se concentrer sur les seuls jeux d’équilibre ?
Comment faire du layering ?
En étant d’abord extrêmement patient. Le layering est une technique de composition qui consiste à « remplir » chaque plan de l’image de l’avant-plan à l’arrière-plan. Cela donne des images riches, denses et dynamiques. La principale difficulté est de gérer les éléments mobiles de l’image. Il faut essayer de « stabiliser » chaque plan. Le plus simple est sans doute de commencer par fixer l’arrière-plan : il est plus facile d’y anticiper les mouvements.
Les plans les plus proches sont les plus imprévisibles, les intrusions dans le cadre étant difficilement contrôlables. Il faut croiser les doigts et compter un peu sur la chance, pour que les éléments des plans les plus proches complètent la composition de façon équilibrée et narrativement pertinente. Au-delà de la méthode, il est indispensable de choisir les lieux qui s’y prêtent : les croisements de rue, lieux de passage ou d’attente, et plus généralement les espaces de circulation comptent parmi les spots généralement adaptés.
Photographier en mode portrait ou en mode paysage ?
Le mode portrait isole, alors que le mode paysage raconte. Cette formule est certes pompeuse mais elle est vraie. Le regard circule de gauche à droite, comme on lit un livre. Il n’a pas naturellement l’habitude d’errer dans le sens de la hauteur. De nombreux photographes shootent en mode portrait pour trois raisons : par facilité, par habitude, par effet de mode.
- Par facilité, car il est plus facile de « combler » l’espace dans le sens de la largeur que de la longueur. Produire des images denses en mode paysage invite à se questionner en matière de composition et d’équilibre.
- Par habitude, en pensant au support de diffusion comme le réseau social Instagram, qui valorise les images en mode portrait. Quand j’observe les photographes au smartphone, le réflexe est le portrait : c’est dans ce sens qu’on tient son téléphone.
- Par effet de mode, car de nombreux photographes populaires shootent en mode portrait. En caricaturant, s’ils sont populaires c’est qu’ils sont visibles. S’ils sont visibles c’est qu’ils diffusent leur travail en flattant l’ergonomie des outils de diffusion.
Le choix entre portrait ou paysage devrait exclusivement résulter d’une démarche créative.
Saisir l’instant décisif
La recherche du moment juste se construit au travers d’un processus itératif laborieux et souvent voué à l’échec.
Quel est le meilleur moment pour faire de la photo de rue ?
Saisir l’instant décisif, c’est identifier le meilleur moment. Mais avant de retenir le meilleur moment photographique, il faut choisir le meilleur moment pour photographier : il est ici et maintenant. C’est fou comme l’esprit peut parfois s’auto-persuader qu’il vaut mieux attendre, qu’il s’agisse de meilleures conditions de prise de vue, ou d’un état d’esprit plus engagé. Et de toute façon, la pratique de la photo de rue est difficile et controversée, alors pourquoi ne pas plutôt abandonner les projets de sortie ?
Cette vision fataliste est pourtant trompeuse : la photo de rue a ceci de merveilleux qu’elle en vaut toujours la peine, à une condition. Il faut absolument se détacher de l’exigence d’un résultat, pour se concentrer sur l’expérience en tant que telle. La street photography est une expérience holistique : il n’est pas seulement question de construire un cadre, mais de « sentir » l’esprit de la rue, en observant, en ressentant, en écoutant. Pratiquer la photo de rue, c’est être vivant. Ici et maintenant.
Comment saisir l’image la plus forte ?
D’abord, en arrêtant de croire qu’il existe un seul instant décisif. Il y a toujours plusieurs instants décisifs. L’objectif de la prise de vue est de maximiser ses chances de pouvoir les identifier en post-production. Pour cela, il faut s’engager à fond pendant l’acte photographique, en multipliant les points de vue, toujours en mouvement, par micro-ajustements successifs, jusqu’à épuisement totale de la scène.
Combien de photos prendre pour obtenir une bonne image ?
Autant que possible. La vision romantique de la prise de vue parfaite et isolée est un leurre. Une image ne s’offre pas à soi, on vient la chercher. Au prix d’un processus laborieux. Le numérique fait tomber la contrainte du nombre de vues limité de la pellicule. Ne pas saisir cette opportunité n’a pas de sens. Par contre, il est entendu que shooter « autant que possible » ne signifie pas shooter « au hasard ». Il faut chercher à être le plus propre possible dans la construction du cadre, tout en maintenant cet esprit de curiosité qui autorise les prises de décision créatives.
Gérer les conditions météo difficiles
S’il est parfois difficile de se motiver à sortir de nuit, par temps de pluie ou de neige, ce type de conditions sont souvent fructueuses en matière de photographie car elles défient la créativité.
Quels réglages pour la photo de rue de nuit ?
La photo de nuit peut être intimidante car la discipline est réputée technique. Si cela fut vrai, ça ne l’est plus aujourd’hui. Le temps des capteurs bruités à l’envi est révolu. Désormais, on peut saisir des clichés à 10 000 iso sans rougir. Certes, le rendu sera moins net qu’à 200 iso, mais on fera avec car la photographie n’a pas à voir avec la qualité technique de l’image, mais avec ce qu’elle évoque.
De nuit, je cherche toujours par défaut à figer le mouvement : 1/250ème de seconde comme temps d’obturation par exemple ; je monte en iso sans arrière-pensée jusqu’à 4 000 ou 5 000 iso (cela dépend du boîtier bien sûr) ; je choisis plutôt une petite ouverture, comme f2.8, pour compenser le manque de lumière. Je privilégie le format Raw dans ce type de condition difficile, en particulier car la balance des blancs automatique ne tombe pas très juste avec les lumières artificielles, et je veux pouvoir la corriger a posteriori, en sachant qu’il y a peu de latitude pour cela en Jpeg.
Enfin, ma démarche est d’identifier les sources de lumière et d’observer comme cette lumière tombe sur les sujets. Fondamentalement, je ne me comporte pas autrement qu’en plein jour : les choix sont plus restreints car il faut éviter les zones trop noirs. Sachant ce cadre d’exercice plus contraint par la lumière, n’est-il même pas plus facile de shooter la nuit que le jour ?
Quelles astuces pour photographier par temps de pluie ?
Il faut faire attention à son matériel en premier lieu. Les boîtiers et optiques WR (weather-resistant) sont les bienvenus. Les astuces maison le sont aussi, comme les protections en plastique de fortune, le recours à la protection d’un porche pour guetter la prochaine opportunité, l’usage d’un simple parapluie (qui pour ma part n’a pas ma préférence car je préfère faire usage des deux mains pour gagner du temps – j’aime à déplacer le collimateur de mise au point).
En guise d’opportunités, les surfaces réfléchissantes sont à traquer, tout comme les parapluies dont la photogénie n’est plus à prouver. S’il s’agit de valoriser un rideau de pluie, alors il faudra s’arranger pour trouver un arrière-plan sombre. On pourra jouer sur la vitesse, pour figer les gouttes (vitesse d’obturation rapide) ou laisser voir un effet filé (vitesse d’obturation lente). Les gens se révèlent autrement sous la pluie, stimulant la créativité du photographe : postures extraordinaires, empressement inhabituel induisant des courses maladroites, etc. Photographier sous la pluie est donc doublement rafraîchissant.
Comment faire de bonnes photos sous la neige ?
D’abord en osant y aller. Les conditions météorologiques dégradées offrent souvent de bonnes opportunités photographiques, car elles cassent la routine des balades photographiques. Il faut recourir à des stratagèmes pour se protéger, faire preuve de vigilance lors des déplacements… Surtout, la neige propose un rendu radicalement nouveau, en blanchissant les zones habituellement à l’ombre. Il faudra surveiller l’exposition, car l’excès de blanc dans l’image trompe la mesure automatique du capteur.
On cherchera à valoriser la poudre blanche par la composition, et à montrer en quoi la neige transforme la vie quotidienne. Toutefois, il est inutile d’intellectualiser le processus outre mesure. La principale difficulté est bien d’oser sortir sous la neige. Pour le reste, il faut se laisser porter par ses intuitions, comme d’habitude.
Sélectionner ses photos de rue
A l’heure de la photographie en rafale sans contrainte d’espace numérique disponible, il est impératif de développer un workflow de post-traitement fluide et efficace.
Dois-je conserver toutes mes photographies ?
Il y a plusieurs approches sur le sujet : pour ma part, je choisis de les conserver toutes. Les espaces numériques sont de moins en moins contraints (bien sûr c’est mettre côté le sujet de la pollution numérique…) et on peut aujourd’hui se permettre de tout garder. Je les conserve aussi par facilité, car j’ai construit mon workflow de cette façon. Mais surtout, je ne veux n’avoir aucun regret, considérant que ma pratique est sans cesse évolutive. Mes goûts d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain. Mon expertise d’éditeur s’affinera également. Mes choix peuvent évoluer au fil du temps, et je souhaite pouvoir les revisiter.
Pourquoi laisser reposer ses images ?
Il est nécessaire de découpler la phase de prise de vue de la phase de sélection. En effet, photographier est une expérience. Celle-ci peut être positive voire grisante, comme elle peut décevoir. Dans tous les cas, elle n’a a priori aucun lien avec la nature des images produites. On peut se réjouir d’observer une scène de rue sans pour autant parvenir à la saisir photographiquement. Si on édite trop tôt ses images, le souvenir des conditions de prise de vue influencera potentiellement la sélection. On se sent attaché à la scène qui nous a ému, et la suppression des images devient affectivement coûteuse. Le temps offre la prise de recul nécessaire qui permet de revoir ses photographies avec davantage de détachement et d’objectivité.
Qu’est-ce qu’une bonne photo de rue ?
Pour faire ses choix, il importe de savoir reconnaître ce qu’est une bonne photographie. Une bonne photo de rue peut s’apprécier selon des critères techniques ou des standards en matière d’équilibre et de composition, mais l’essentiel n’est pas là. Une bonne photo de rue est celle qui interpelle. Elle suggère quelque chose, soulève une question, transmet une émotion… Quoi qu’il en soit, elle génère une réaction qui dépasse l’image elle-même.
Comment trier ses photos de rue ?
Il faut chercher à fluidifier le processus de l’editing au maximum. J’en ai eu assez d’attendre désespérément derrière mon écran à attendre que s’affichent mes photographies. C’est pourquoi j’ai choisi de travailler avec deux logiciels successifs pour optimiser les temps de traitement : Photomechanic et Lightroom. Le premier permet d’afficher les images sans aucun temps de latence. Par un système de notation en couleurs, je sélectionne les images marquantes que j’importe ensuite sous Lightroom. Dans le premier logiciel, j’opère la première sélection, la plus lourde en temps de traitement. Je ne retiens jamais plus de 10% de ma production (ce chiffre peut d’ailleurs tomber à 1%). Dans le deuxième logiciel, j’opère une sélection fine entre les photographies finalistes. Je dispose ainsi du corpus d’images que je retoucherai dans ce même logiciel.
Retoucher ses photos de rue
Une bonne retouche est une retouche qui ne se voit pas. Elle n’est pertinente que sur un écran calibré, dont le rendu des couleurs reflète la réalité.
Quel processus de retouche des images ?
Je retouche les images sélectionnées uniquement, sous Lightroom. J’opère un développement simple, sans manipulation complexe : par exemple je ne retouche jamais le grain de peau. Je recadre et redresse les lignes ; je joue sur les contrastes, en bougeant les curseurs de contraste et clarté, et en équilibrant les valeurs lumineuses de l’histogramme. Je travaille légèrement le rendu des couleurs individuellement. Parfois, j’ajoute un léger vignettage pour centrer l’attention sur le sujet. Occasionnellement, je mène des retouches locales en jouant avec l’outil de filtre radial. Je cherche le rendu le plus naturel, celui qui ne montre pas le travail de retouche. Je passe rarement plus de trois minutes à retoucher une photographie.
Dois-je investir dans une sonde de calibration ?
Oui. Un écran ne reproduit pas les couleurs fidèlement par défaut. Si l’on s’en tient à ces réglages, on s’en rend tributaire. Le rendu ne sera jamais le même à l’impression aussi bien que sur un autre écran. L’intérêt du calibrage est de standardiser le rendu pour obtenir des couleurs et une luminosité fidèles à ce qu’elles sont vraiment. Il est impossible de calibrer son écran sans sonde. Cette opération est en particulier indispensable quand il est question d’imprimer ses photographies, sous peine de mauvaises surprises..
Comment ne pas cramer les hautes lumières ?
En exposant pour les hautes lumières. Je préfère assombrir encore les zones foncées pour me prémunir des zones cramées. Bien sûr, j’utilise cette technique car elle répond à l’esthétique que je recherche. Quand je rencontre des situations à fort contraste lumineux, je fais généralement une photo-test et je contrôle si des zones sont sur exposées ou non. Bien sûr, ces considérations ne sont plus valables à contrejour, où on peut s’autoriser à cramer le fond. Il faut alors trouver le bon dosage (délicat à trouver), de manière à ce que ces zones blanches ne déséquilibrent pas l’image. En effet, le risque encouru est une attirance de l’œil excessive vers ces zones.
Photographie couleur ou noir et blanc ?
Pourquoi choisir ? Certaines situations se prêtent au noir et blanc, d’autres à la couleur. Le photographe doit choisir l’une ou l’autre esthétique en conscience. La couleur s’impose quand elle fait sens, de même que le noir et blanc ne doit pas masquer des défaillances de composition mais bien servir une intention. En particulier, le noir et blanc apporte aux clichés un caractère intemporel, renvoyant à l’histoire de la photographie. Faire l’économie de la couleur invite à se concentrer sur les formes et sur la lumière.
Le contraste n’est-il pas une facilité ?
Toute photographie exploite un rapport de contraste, qu’il soit lumineux (opposition entre des zones claires et sombres) ou de couleur (opposition entre des couleurs complémentaires). En photographie, tout est une question de dosage. Il faut opérer des choix francs, intelligibles, sans pour autant tomber dans l’excès. Par exemple, il est difficile de valoriser des zones noires, porteuses d’aucune information. Si leur usage repose sur le seul besoin de masquer des détails indésirables, alors cette décision n’est pas pertinente. Elle doit s’accompagner d’une recherche de sens photographique. Pour autant, je ne partage pas l’idée du détail à tout prix : certains peintres font d’ailleurs beaucoup usage de cette méthode consistant à seulement esquisser des zones jugées secondaires, pour concentrer l’attention sur le sujet. Les portraits de Rembrandt en sont un parfait exemple.
Structurer son travail photographique
Pour progresser en photo de rue, il est nécessaire de prendre du recul sur sa production et en retenir la meilleure synthèse : un exercice délicat mais souvent révélateur.
Comment discipliner sa pratique photographique ?
En se lançant dans des projets photographiques. Il n’est pas nécessaire pour cela de s’engager dans des projets trop ambitieux, complexes et confus. Les projets se construisent en marchant et il est préférable de mettre en œuvre une stratégie des petits pas. Par exemple, faire des photographies deux fois par semaine au parc à côté de chez soi. Plus tard, on étudiera la matière produite et on percevra quelles pistes intéressantes peuvent être explorées. Il me semble qu’il faut chercher à réconcilier deux injonctions contradictoires : le besoin de préserver à tout prix la spontanéité de l’acte photographique, et celui d’analyser ses images. Les idées qui émergent lors de séances d’analyse infusent progressivement jusque dans l’acte photographique en tant que tel, sans même que l’on s’en rende compte.
Comment trouver son style photographique ?
On pourrait dire qu’il finira par s’affirmer naturellement. Le style photographique n’est rien d’autre que l’expression de l’identité du photographe. Ce qui fait la valeur d’un travail, c’est sa singularité. Cette singularité, c’est celle de l’observateur. Celui qui a formulé sa vision. Une vision nourrie par les expériences, les influences culturelles, la sensibilité. Je pense que pour trouver son style photographique, il faut engager un travail de recherche autour d’une authenticité. Il s’agit de trouver un alignement entre son identité profonde et son corpus d’images.
Si l’on n’est pas fidèle à ce que l’on est fondamentalement, on ne produira qu’une imagerie banale, lisse et convenue. Bien sûr, une telle entreprise est difficile à mettre en œuvre et s’inscrit dans un temps long. Pour mieux comprendre ce qui nous plaît et nous touche, il me paraît indispensable de verbaliser ses images : poser des mots sur ce qui nous interpelle est la première brique pour se révéler, à soi-même et au travers de son œuvre.
Comment constituer un portfolio en street photography ?
Je conseille de commencer par retenir les photographies qui nous interpellent, d’abord en ratissant assez large, en choisissant exclusivement au feeling. Dans un second temps, il s’agit d’identifier une unité de style, de façon à proposer une sélection cohérente. Un type de lumière, de traitement, de sujet. En faisant l’exercice, on parvient nécessairement à trouver des points communs entre les images. Celles qui ne répondent pas à ces critères de cohérence seront écartées. Ensuite vient une troisième phase d’examen fin, où il est question de discuter les choix spontanés, en les confrontant avec la satisfaction de critères plus objectifs autour de la composition et de la technique.
Retenir une sélection d’une centaine d’images représente déjà un volume ambitieux. Il est toujours préférable de montrer moins mais de montrer mieux. La mise en œuvre de cet exercice est généralement très riche en enseignements : elle aide à qualifier son travail, premier pas pour lui donner une direction ; elle aide aussi à prendre du recul sur ses travaux, en mettant en relation des photographies au-delà de leur proximité chronologique. En somme, elle donne du sens à la démarche photographique, ce qui contribue à s’accomplir dans la pratique de la discipline.
Combien de bonnes photos par an ?
Un travail pertinent s’organise autour d’images signature : celles qui représentent la substantifique moelle du travail d’un photographe. Il s’agit d’images carte de visite, qui vous identifieront de façon indubitable. Ces photographies ne s’offrent pas à nous tous les jours. Une excellente photo par an constitue déjà un chiffre honorable.
La photo de rue exige de faire preuve d’une très grande patience, et de se montrer philosophe par rapport à la notion d’échec. Derrière une excellente photographie se cachent des milliers de très mauvaises images. Pour autant leur production n’aura pas été inutile. Sans elles, la perle photographique ne serait sans doute jamais apparue. Les tentatives ratées font totalement partie du processus créatif. Elles ont contribué au mûrissement de la pratique. Le photographe de rue doit dépasser l’idée de réussite, et se concentrer plutôt sur l’expérience avant toute chose. Faire l’expérience du monde à travers la photographie est un cadeau inestimable ; les excellentes photographies sont un autre cadeau, quant à lui imprévisible.
Diffuser ses photographies
Si les réseaux sociaux restent une option à considérer, le meilleur canal de diffusion est sans doute le site internet personnel.
Faut-il continuer à publier sur Instagram ?
On ne va pas se mentir à soi-même, Instagram n’est plus ce qu’il était. Ce réseau ne s’adresse plus en priorité aux photographes. Les contenus photographiques sont désormais en concurrence avec les plus populaires formats vidéo. Si l’on veut être visible, il est devenu quasi nécessaire de payer pour que les publications soient vues ne serait-ce que par sa propre communauté. Toutefois, ce réseau reste très populaire. Quand un quidam souhaite découvrir le travail d’un photographe, il exige de lui qu’il lui communique l’alias de son compte.
Si l’on sait qu’un nombre d’abonnés n’a aucun lien avec la qualité d’une imagerie, ce gage de crédit aux yeux de certains est toujours bon à prendre. Peut-être faut-il simplement envisager ce réseau comme une carte de visite. La publication d’images, ne serait-ce qu’épisodique, ne sera jamais nocive. Elle peut d’ailleurs contribuer à clarifier ses questionnements photographiques. En effet, le choix de diffuser une image plutôt qu’une autre n’est jamais anodin, et la mise en perspective du corpus d’images partagées sur le long terme peut être riche d’enseignements.
Sur quelle plateforme diffuser ses images ?
Le meilleur moyen de diffuser ses photographies est de s’émanciper des réseaux sociaux : ils sont tributaires des tendances et des effets de mode. La constitution d’un portfolio sur un site internet personnel est probablement la solution la plus pertinente, en tout cas dans une perspective de long terme. L’animation d’un blog, bien que coûteuse en temps et en efforts, est quant à elle un moyen de gagner durablement en visibilité.
Dois-je participer à des concours de photo de rue pour faire connaître mon travail ?
Les concours peuvent apporter une légitimité. En effet, même s’ils sont tributaires de la sensibilité des juges, ces derniers sont des experts de la discipline. La reconnaissance par ses pairs peut alimenter la motivation, en offrant un marqueur indiquant qu’on travaille dans la bonne direction. Toutefois, cette reconnaissance est un peu artificielle : l’idée de concours sous-tend celle d’une mise en concurrence par rapport à d’autres photographes. S’il est possible d’objectiver des critères constituant une bonne image, la discipline reste fondamentalement subjective, et l’idée de concurrence n’est pertinente que vis-à-vis de soi-même. Par ailleurs, le seul fait de « gagner » n’apporte rien d’autre qu’un fugace sentiment de gloire.
Il me paraît plus pertinent de chercher à obtenir un feedback construit et documenté auprès d’un expert. Solliciter un expert dont on admire le travail pour une revue de portfolio, ou en tout cas un accompagnement individualisé, me semble une démarche préférable : elle permet de progresser en apportant une matière à réflexion, alors que le « c’est bien » d’un award n’est qu’une simple coquille vide. Gardons d’ailleurs en tête que quand les concours sont payants (ce qui pose une question d’éthique ?), les organisateurs ont intérêt à récompenser les candidats pour maintenir leur équilibre économique.
La chance en photo de rue
La sérendipité fait partie intégrante du process photographique.
Comment rencontrer un « happy accident » ?
Par définition, par hasard. Parfois, on regarde des images et on se demande bien par quel invraisemblable concours de circonstances une telle situation a bien pu se produire. Pourtant, à force d’essayer on finit par avoir de la chance. Et je crois que c’est bien là l’une des qualités-clés qu’un photographe de rue doit cultiver : la confiance dans l’incertain. Oser essayer, sans garantie de résultat. Déclencher pour voir ce que cela donne. Découvrir ce que l’on n’a pas encore eu le temps de se formuler à soi-même.
La photo de rue est-elle une simple affaire de chance ?
Je crois que derrière une excellente photo de rue il y a toujours une part de chance. La photographie de rue transcende le banal, en lui ajoutant cette valeur indéfinissable qui lui confère un caractère extraordinaire. Seul un coup de chance peut y concourir. Chance que la lumière tombe juste, chance que les éléments s’arrangent comme par miracle, chance que les lignes convergent comme si elles étaient mises en scène. Mais la chance, il faut la saisir. Il faut s’en emparer et la valoriser. Le photographe de rue doit apprendre à reconnaître l’extraordinaire, et à le figer. Il « suffit » d’être prêt. A cet effet, il doit être en pleine capacité technique et observer intensément.
Inspiration et créativité
Souvent les sources d’inspiration indirectes sont une bonne idée pour raviver la flamme de la créativité photographique.
Que faire pour se renouveler en cas de panne d’inspiration ?
Il faut commencer par la reconnaître. La photo de rue doit rester une passion, et il est peu productif de forcer les choses. Souvent, le fait de faire une pause avec la pratique est bénéfique. Ce temps d’oisiveté photographique n’est pas un temps perdu : il permet de reconsidérer les choses, proposant par nature une prise de recul salutaire, propre à rétablir l’enthousiasme et la fraîcheur des débuts. Le cheminement photographique se poursuit y compris en dehors de la pratique. Les sources d’inspiration sont multiples : littérature, peinture, musique cinéma…
Le déploiement du processus créatif suggère un état d’esprit de disponibilité et d’ouverture. Quand les conditions psychologiques favorables à la pratique ne sont pas réunies, il est préférable de faire une pause. Concernant la pratique en elle-même, elle peut être bousculée positivement par un changement d’habitude : un objectif différent, un lieu différent, un horaire différent. Sortir des chemins balisés aide à voir et sentir les choses autrement.
La littérature peut-elle inspirer la pratique de la street photography ?
L’étymologie de la photographie inclut l’idée d’écriture. Une photographie qui interpelle comporte le plus souvent un volant narratif. L’enjeu photographique est de parvenir à offrir un message synthétique, tout en ouvrant sur l’interprétation et l’imaginaire du spectateur. Les ressorts narratifs sont similaires en littérature, même si les moyens d’y parvenir sont différents. Le parallèle le plus pertinent est peut-être celui de la nouvelle, qui exige de livrer les clés narratives en peu de mots, ce qui suggère un difficile exercice de synthèse.
Comment garder la motivation en photo de rue ?
L’une des ornières de la photo de rue est la routine. Cela peut sembler paradoxal : aucun événement de la vie n’est reproductible, et les situations sont cesse nouvelles. Mais on revient photographier sur les mêmes lieux et on peut ressentir une lassitude liée à ce que l’on connaît déjà. L’esprit s’installe volontiers dans une forme de confort dont il est difficile de s’extirper. On se retrouve invariablement aux mêmes endroits, avec l’amère impression d’être exposé aux mêmes contraintes, ce qui peut conduire à l’abandon.
Pour raviver la motivation, on peut d’abord jouer sur les moteurs de l’inspiration déjà évoqués : avoir en tête de belles images, jouer sur le confort des conditions d’exercice (un matériel simple à utiliser, ergonomique et convivial, à garder sur soi, facilitera la mise en pratique du regard). On peut aussi jouer sur la valorisation des travaux. D’abord, il faut simplifier et fluidifier le workflow de post-production au maximum, de façon à ce que l’exercice ne devienne pas une contrainte mais reste un plaisir. Ensuite, il faut aller jusqu’au bout de la démarche : imprimer et/ou encadrer ses images. L’achèvement de cycle de production photographique procurera un fort sentiment d’accomplissement, propre à renouveler la motivation du photographe à poursuivre sa quête.
S’améliorer en photo de rue
La meilleure manière de s’améliorer en photo de rue consiste sans doute à pratiquer tout en développant un regard analytique et critique sur ses propres travaux.
Les 10 000 premières photos sont-elles les pires ?
C’est Henri Cartier-Bresson qui le dit. Pratiquer la photographie, c’est accumuler de l’expérience. Le processus est itératif : plus on pratique, plus on progresse. Mais à l’ère du numérique, 10 000 est-il toujours un ordre de grandeur pertinent ? La meilleure citation serait plutôt : « Vos 100 000 premières photos seront les pires ». On shoote en rafale, on peut s’autoriser des déclenchements plus spontanées, sans ce besoin d’optimiser coûte que coûte les placements et les réglages. L’argentique faisait peser le pour et contre. On préparait davantage l’acte photographique pour économiser de la pellicule.
Si la prise de vue contemporaine est techniquement moins contrainte qu’elle n’était, il me semble que l’éthique de travail à déployer reste fondamentalement invariante. Rien ne remplacera une discipline fondée sur un travail acharné, en suivant un processus d’essais/erreurs, et en cherchant au passage à accueillir la grâce du hasard, en capitalisant sur l’expérience d’une diversité de situations. C’est seulement après avoir engagé un volume de travail très conséquent qu’on pourra percevoir les prémices d’un progrès.
Comment débuter en photo de rue ?
Il faut d’abord apprendre les rudiments techniques : comprendre le triangle d’exposition, maîtriser la mise au point et la profondeur de champ. J’ai observé beaucoup de découragement chez des débutants en photographie non formés à ces fondamentaux. Ils s’épanouissaient en mode automatique ou via un smartphone ; en revanche, ils se trouvaient paralysés à l’usage d’un outil plus sophistiqué. Cassons un mythe au sujet de la technique : l’apprentissage « théorique » n’exige que quelques heures. C’est la pratique qui est décisive : elle permet de générer des automatismes qui permettent de se concentrer sur l’expérience photographique. Débuter correctement dans le domaine, c’est oser pratiquer en s’interrogeant sur le résultat, selon une dynamique itérative.
Progresser en rencontrant d’autres pratiquants ?
Il existe bien sûr des associations et clubs photographiques. Les réseaux sociaux sont un autre moyen de rencontrer des confrères photographes. Au-delà des modes de rencontre, il convient à mon avis de s’interroger sur les motivations de la rencontre. Quand on débute en photographie, il peut être bénéfique de rejoindre une structure qui donne un cadre à la pratique et accélère l’acquisition des compétences techniques de base. Toutefois je mets en garde sur certaines dérives : la pratique en groupe peut alimenter des situations de mise en concurrence.
Par ailleurs, il est courant d’assister à des démonstrations techniques qui sont sans rapport avec l’intérêt fondamental de la photographie, qui est d’exprimer sa voix intérieure. Si les échanges avec des confrères photographes peuvent être structurants, une fois la technique maîtrisée, le processus photographique reste une pratique solitaire. Trouver sa voix ne peut se faire qu’en étant face à soi-même. On peut se sentir rassuré au sein d’un groupe, mais je crois que c’est seul qu’on se développe vraiment. En tout cas, aménager des temps de pratique et de réflexion en solitaire me paraissent incontournables.
Comment franchir un cap dans ma pratique ?
Quand on se lance dans l’apprentissage d’une nouvelle discipline, on a parfois la chance de ressentir un déclic. Avec le sentiment qu’il y avait un avant et qu’il y aura un après. Cela peut arriver inconsciemment, sans que l’on s’en rende compte, par la force des choses. Mais cela peut aussi se provoquer. Il est envisageable de se former, par exemple en participant à un workshop auprès d’un maître que l’on admire, propre à nous tirer vers le haut.
Toutefois, la photographie est avant tout une discipline d’expérience. Se lancer dans un projet photographique peut être un bon moyen de franchir ce cap, car il implique l’adoption d’une discipline de travail. A titre personnel, j’ai cherché à photographier tous les jours pendant 100 jours, en creusant deux thématiques : les compositions multi-plan et le portrait de rue. Je ne suis parvenu à accomplir que 68% de la mission que je m’étais donnée, contraint à l’abandon en raison de conditions sanitaires non maîtrisées. Pourtant, si je ne suis pas allé au bout du projet, j’ai accumulé une grande expérience photographique qui a appuyé des certitudes et renforcé mon sentiment de légitimité.
Photo de rue et développement personnel
Photographier, c’est révéler son identité. Au-delà de l’imagerie engendrée, le cheminement photographique est avant tout une quête intérieure qui peut aboutir à un fort sentiment d’accomplissement.
Quelles qualités pour devenir un bon photographe ?
Il me semble que la principale qualité dont un photographe doit disposer est la persévérance. La photographie est une discipline laborieuse. Une fois passées les premières joies de la maîtrise technique de son appareil, apparaissent les tourments plus austères et moins balisés de la créativité. Créer une photographie pertinente est le fruit d’un long processus de travail, mêlant expérience et travail sur soi. Je pense qu’une bonne manière d’appréhender la photographie consiste à en faire un mode de vie. Il s’agirait de photographier pour vivre plus intensément le présent, et éprouver de la gratitude pour la préciosité et la fragilité des moments apparemment anodins du quotidien.
Cette philosophie exclut de facto le qualificatif de « bon photographe ». Car auprès de qui l’est-on, et d’ailleurs pourquoi l’être ? Ce qualificatif définitif, qui est ou n’est pas, marque l’arrêt de la recherche créative et du progrès, ce qui revient à signer la mort de la pratique. La question est plutôt de se trouver soi-même et de s’épanouir à travers le processus.
Pourquoi la méditation est une bonne idée pour la photographie ?
Méditer, c’est apprendre à vivre le moment présent dans toute son intensité. En prenant conscience du flux des pensées, et en cherchant à les mettre à distance pour seulement les observer, on se libère du tumulte de l’esprit. On se recentre sur soi et sur ses sensations. On apprend à vivre au plus près de ses ressentis, à l’écart des projections mentales et des distractions. Pratiquer la photo de rue, c’est sentir et observer le monde qui nous entoure, dans toute son intensité et son instantanéité. Cette expérience du monde ne peut être totale qu’à la condition d’un ancrage sans concession dans le temps présent. C’est exactement l’objet de la méditation.
Comment gérer la frustration ?
Il faut commencer par accepter le fait que la photo de rue est très difficile. La discipline exige de déployer une éthique de travail spécifique, car le photographe de l’espace public n’est pas a priori légitime. A la différence des contrats commerciaux, il s’auto-saisit d’une mission photographique qu’il remplit de façon unilatérale. Il lui faut dès lors mettre en œuvre des stratagèmes pour se faire accepter. Ce contexte engendre des situations frustrantes où il n’est pas possible de tout saisir. L’absence de mise en scène exclue aussi de « rejouer » des moments, ce qui alimente aussi cette frustration.
Au fil de l’expérience, le photographe affine sa vision du monde, et identifie les situations qui fonctionnent ou non. Il pourrait être incité à « diriger » la scène qui se déplie sous ses yeux. Or cela fait perdre à la photo de rue toute son essence. Finalement, la frustration fait partie du processus en street photography, et il s’agit « seulement » de l’accepter. Parfois, d’incroyables situations se déroulent sous nos yeux, sans qu’on puisse en figer le moment paroxystique. Il faut se faire une raison. Le hasard et la chance jouent un rôle dans la création d’image, ce sur quoi nous ne pouvons de facto exercer aucune forme de contrôle. C’est sans doute d’ailleurs ce qui fait la grâce de la photo de rue.
Peut-on faire de la photo de rue en étant timide ?
La photo de rue est accessible à quiconque. Si être timide constitue un problème, photographier peut être un moyen de le combattre. Car exposer son capteur expose aussi à ses peurs. Toutefois, selon les sensibilité, la démarche ne conviendra pas à tout le monde. Une autre approche consiste à accepter sa timidité et à se l’approprier photographiquement : la photo de rue ne consiste pas exclusivement à photographier de près des inconnus. La nature morte, les prises de vue distantes, l’abstraction ont aussi toute leur place, et composent des approches photographiques tout aussi respectables. Ce qui compte est de tenir un discours photographique.
La photo de rue est-elle une thérapie ?
Chacun a ses propres raisons de pratiquer la photo de rue, et aucune n’est plus honorable qu’une autre. Je trouve pour ma part que la discipline expose à de nombreuses peurs qu’il n’est pas anodin de chercher à affronter. Tout comme chercher à photographier des étrangers n’est pas anodin. Il en va de même de la démarche consistant à être témoin plutôt qu’acteur, et à enregistrer les battements du monde à travers un viseur plutôt que de l’observer sans ce filtre. Pour celui qui analyse les raisons de sa pratique et les conditions psychologiques de la pratique, il me semble qu’il y a beaucoup à comprendre et travailler sur soi-même.
La photo de rue est-elle une pratique solitaire ?
On peut envisager de pratiquer la photo de rue à plusieurs. Matt Stuart a bien sorti une image incroyable en compagnie de Joel Meyerowitz. Mais fondamentalement , l’acte photographique est un acte solitaire. Il est impossible de vivre l’expérience le plus intensément quand elle partagée. Nous serons toujours seuls à déclencher. La recherche de la meilleure image impose un état de concentration maximal, incompatible avec le besoin d’interactions avec des partenaires de shoot. Par contre, les échanges entre confrères autour des temps de pratiques sont souvent fructueux et recommandables. Le partage des idées et réflexions ne peut qu’aider tout photographe à grandir.
Perspectives sur la photo de rue
La photo de rue est une discipline composite et mouvante : chacun peut exprimer sa propre vision du monde. Elle est et doit rester une discipline de passionné : il est illusoire d’espérer en vivre.
Comment avoir du succès en photo de rue ?
Que signifie avoir du succès ? S’il s’agit de se comparer à autrui, la quête n’a pas de sens. La photographie n’est pas un sport ni une compétition. C’est une discipline holistique : l’acte photographique accompagne le développement de soi. Dès lors, le succès en photo de rue ne s’obtient qu’au prix d’une compétition avec soi-même. Il est seulement question de se réaliser au travers de la pratique. L’accumulation d’expériences photographiques, couplées à une démarche analytique et introspective en dehors de la pratique, sont sans doute de bon vecteurs d’épanouissement.
La photo de rue argentique a-t-elle de l’avenir ?
Si la décision de la photographie argentique procède d’une démarche créative, alors elle est pertinente. S’il s’agit au contraire d’un instrument pour se détourner de tout propos photographique, alors la pratique est à proscrire. Il est en effet commode de s’investir dans un nouveau domaine technique, car cela rassure quant à l’idée de progrès. J’apprends à maîtriser un nouveau processus photographique, donc mon parcours photographique s’étoffe. Ce type de propos est souvent un leurre. On sait tous que la véritable difficulté de la photographie n’est pas de trouver la bonne technique, mais de se trouver soi-même en faisant parler sa voix intérieure.
D’après moi, la photographie argentique est rarement pertinente dans le contexte contemporain de concurrence avec son homologue numérique. Elle peut toutefois se justifier par une esthétique inégalable, et par des raisons éthiques : prendre le temps de voir avant de revoir longtemps après la prise de vue, et simplifier le processus en s’affranchissant des contraintes du post-traitement. L’histoire personnelle des grands photographes de l’agence Magnum montre toutefois la prise d’un virage sans retour en arrière, lorsque les dernières pellicules Kodachrome ont disparu. Si cela leur fut un crève-coeur, Harry Gruyaert, Steve McCurry et Alex Webb se sont bel et bien engagés dans cette nouvelle ère numérique.
Peut-on gagner sa vie avec la street photography ?
La photo de rue est une pratique libre et spontanée, incertaine et imprévisible. Elle ne peut pas répondre à une commande formulée autour d’un cahier des charges précis. Par contre, il est possible de valoriser des travaux produits dans la rue a posteriori, par exemple en organisant des expositions ou en vendant des tirages photo. On peut aussi chercher à tirer profit de son expertise, en animant des workshops ou en vendant des formations. En aucun cas il faut envisager la photo de rue dans la perspective de faire carrière. S’il s’agit de vivre de la photographie, d’autres niches sont plus lucratives, comme la photographie de mariage, et plus généralement les travaux qui s’inscrivent en réponse à une demande commerciale.
10 commentaires
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sujet très intéressant.Texte que je dois relire plusieurs fois
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Merci Geneviève ! Bonne lecture !
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Super article ,a relire et méditer. Bravo !
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Merci beaucoup Didier !
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Je suis tombé par hasard sur votre site.
Bravo pour tous vos conseils.
J’ai eu plaisir à vous lire
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Merci beaucoup Tom ! 🙂
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C’est un article ouvert, pas de diktat, pas de leçon, … il pousse à réfléchir et à trouver sa voie, pour s’améliorer sur sa propre démarche photographique.
Merci
Paguy
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Merci beaucoup Paguy, content que cet article vous inspire ! A chaque photographe de faire émerger sa propre voix intérieure ! Bonne journée, Ben
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Extrêmement intéressant merci beaucoup.
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Merci Jamal, super gentil !