L’inspiration en photo de rue
Le syndrome « zéro déclenchement », vous connaissez ? Passer des heures à errer dans les rues sans inspiration, ne trouvant aucun sujet digne d’intérêt. Rentrer chez soi bredouille, avec l’amertume du temps perdu… Voici quelques pistes pour retrouver cette précieuse inspiration qui alimente notre passion de la photo de rue !
Sommaire
La pratique comme premier remède au mal d’inspiration
L’inspiration est un élixir aux secrets insondables dont nous ne connaîtrons hélas jamais l’exacte composition. Elle va et vient, au gré d’errements arbitraires sur lesquels nous ne sommes pas en mesure d’exercer un contrôle direct. Toutefois, nous avons un rôle à jouer pour l’accueillir quand elle se présente.
Cultivons la patience
Mécaniquement, plus nous pratiquons la photo, plus nous amplifions nos chances de capter un moment inspiré (je parle ici des ingrédients d’une bonne photo). Soyons pragmatiques, ayons sans arrêt l’appareil photo sur soi, pratiquons dès que possible. La photo de rue exige persévérance. A la longue, on reconnaîtra sur ce chemin de labeur l’instant fugace et poétique, ineffable et intime. Cette image personnelle qui fera date dans notre parcours photographique et nourrira notre enthousiasme.
Une bonne photo survient n’importe quand
Je me souviens des conditions dans lesquelles j’ai saisi l’image ci-après qui me plaît encore aujourd’hui. J’avais passé mon après-midi à arpenter les rues de Lyon, de la presqu’île aux pentes de la Croix-Rousse. Sans idée nouvelle, accumulant les échecs d’occasions à peine entrevues et sitôt avortées. Je me sentais un peu déprimé, en proie à toutes les mises en cause. Pourtant, alors que je m’apprêtais à ranger mon appareil photo la soirée approchant, j’ai aperçu sur un mur ce jeu de lumière dorée venant y dessiner un rectangle. J’ai trouvé plaisant le défi d’attendre le passage d’un personnage complétant cette composition géométrique. Pour enrichir la dimension graphique de l’image, j’ai joué avec les lignes d’un toit de voiture sombre.
Quand je discute de mon travail auprès de mon entourage, cette image revient souvent dans la conversation lorsqu’il s’agit de le résumer : elle est lisible et synthétique ; d’une certaine manière, elle résume ce que je recherche : des compositions épurées valorisées par la lumière. Je l’ai saisie dans des conditions qui ne m’étaient a priori pas favorables. Toutefois, j’ai persévéré et en un sens j’étais prêt : j’avais mon appareil photo à la main. N’ayez crainte, l’opportunité finit toujours pas se présenter pour peu qu’on soit disponible. D’ailleurs, l’incertitude du processus est bien le propre de la photographie : il faut l’accepter et s’en amuser. N’est-ce pas aussi ce qui fait son charme ? Sans doute les images les plus fortes sont-elles celles qui échappent en partie à notre contrôle…
Un état d’esprit pour accueillir l’inspiration
Je vous ai décrit l’état émotionnel négatif qui avait pourtant abouti à la rencontre d’une image. Une attitude enthousiaste et conquérante me paraît toutefois préférable. Vous avez peut-être déjà expérimenté cette sensation grisante où tout semble vous réussir, enchaînant pépite sur pépite : ce suprême état de flow, de pleine disponibilité, de concentration totale, qui efface tout ce qui ne relève pas de l’acte photographique. Cet état extatique est difficile à atteindre ; il me semble qu’il exige une forme de préparation mentale. Je ne peux que vous recommander pour cela la pratique de la méditation, à laquelle je consacrerai un article.
Je pense également qu’il faut apprendre à se détacher émotionnellement du résultat. N’est-ce pas le processus créatif en lui-même qui nous passionne tant ? La photo de rue est si exigeante qu’il serait frustrant de l’envisager sous le seul angle de la qualité de notre production. A titre d’exemple, je retiens de l’ordre de 1% de mes images. Adoptons une approche positive et éprouvons de la gratitude : sortir dans la rue pour prendre des photos est une chance, n’est-ce pas ?
Structurez votre travail autour d’un projet
Souvent, ce qui nous décourage en photo de rue, c’est de ne pas avoir de but. L’inconnu est inhérent à la pratique : nous n’avons aucune emprise sur la dynamique et l’énergie d’un lieu. Toutefois, cela ne nous empêche pas pour autant de structurer notre travail en amont de la pratique. Il n’est pas forcément nécessaire de chercher loin : une unité de lieu peut suffire. C’est ainsi que j’ai fréquenté assidûment le Parc de la Tête d’Or au lever du soleil, pour y photographier tout ce qui me paraissait digne d’intérêt.
Il a fallu cet instant de grâce, celle des premiers rayons filtrant la brume, pour relancer mon enthousiasme une bonne dizaine de jours. Pourtant je n’avais pas prévu de m’investir sur ce projet au départ. Laissez les idées infuser dans les recoins de votre conscience, et emparez-vous d’elles, elles ne demandent qu’à être explorées.
La contrainte comme source d’inspiration
L’inspiration est souvent freinée par l’habitude : à Lyon je connais – ou plutôt j’ai l’impression de connaître – chaque recoin de la Presqu’île. Il faut apprendre à interroger ses impressions pour se réinventer. C’est d’ailleurs souvent dans les lieux les plus habituels que nous sortons les meilleures images, celles qui dépassent les clichés et les évidences.
Un bon moyen de se renouveler est de s’imposer une contrainte : pour bousculer les habitudes, et relancer la découverte. Changez d’objectif : si vous travaillez au 35mm, essayez plutôt le 85mm. Vous exercez en lumière naturelle ? Jouez avec la richesse des éclairages artificiels la nuit.
Ici, j’ai pris de la hauteur pour produire cette image depuis un point de vue surélevé. J’ai saisi d’autres opportunités intéressantes ce jour-là, sans changer de lieu. Je pense que mes idées sont venues de cette perspective différente, qui ne répondait pas à la manière habituelle dont j’observais les choses.
Inspirez-vous du travail des maîtres photographes
Enfin, s’inspirer c’est bien sûr aussi parcourir le travail des maîtres : Marc Riboud, Alex Webb, Bruno Barbey… L’observation de ces grandes images ouvre des perspectives créatives nouvelles, petit à petit. N’avez-vous jamais eu de brillante idée peu après avoir tourné les pages d’un livre ?
Je pense par ailleurs souhaitable d’ouvrir son champ d’inspiration aux autres arts. Pour ma part, mes plus grandes influences sont les peintres !
2 commentaires
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Merci et bravo pour cette remarquable leçon sur l’art photographique qui tente de percer les secrets de l’inspiration et montre que, dans la photographie la technique a évidemment toute sa place comme dans les autres arts, mais qu’elle suppose aussi cette disponibilité pour accueillir l’instant dans son unicité, portant l’éphémère trop souvent inaperçu à la dignité de ce qui mérite de demeurer et d’être contemplé. La disponibilité de l’oeil du photographe et sa longue patience permettent la saisie de ce que les grecs appelaient le « kairos », l’instant propice.
Alors bonne chance pour d’autres « instants de grâce » !
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Merci pour ce beau commentaire 🙂 La patience est certainement l’une des meilleures compétences à cultiver pour aboutir à un résultat, tributaire par essence d’une forme de hasard… Son caractère imprévisible est sans doute ce qui fait la beauté de la photographie, et la distingue d’autres formes artistiques… Même si un Delacroix revendiquait une part d’improvisation dans ses compositions !