Editing photo : sélectionner et séquencer ses images
Qu’est-ce que l’editing photo ? Le processus photographique couvre plusieurs séquences de travail. L’acte de déclenchement en lui-même est à l’origine de tout résultat, souvent frustrant et parfois grisant. En aval de cette opération, il est une phase de l’ombre, dont l’importance échappe souvent à un public non averti, sur laquelle je m’attarde ici : l’editing photographique. Le shooting photo fournit une matière brute, vaste champ de brouillons à explorer ; l’editing en révèle les potentiels joyaux, en identifiant et en valorisant les seules images fortes. Celles qu’il est digne de montrer. La grande époque des planches-contacts argentiques, instrument de l’indépendance éditoriale des photographes de l’agence Magnum, est à quelques passionnés près révolue. Désormais, le tri des images s’opère dans un monde numérique, à l’aide de logiciels qu’il est nécessaire d’employer selon un workflow efficace à une ère digitale génératrice d’un foisonnement d’images inédit. Quelle qu’en soit l’approche, on ne saurait décoller la sélection d’images de l’identité de son auteur : l’editing est un processus éminemment personnel. Dans tous les cas, le temps est un allié précieux pour faire les bons choix. Ces derniers se doivent d’être ciblés et parcimonieux, afin que le public ne voie qu’une matière photographique lumineuse, substantifique moelle du travail accompli par l’auteur.
Sommaire
- Une définition de l’editing photo
- Une sélection tributaire de la finalité recherchée
- Aux origines de l’editing : les planches-contacts
- La planche-contact numérique : une nouvelle éthique
- Le temps, paramètre filtrant des images les plus fortes
- Déployer un workflow efficace : associer Photo Mechanic et Lightroom
- Imprimer des images pour finaliser un séquencement
- Sélection des images : approche intellectuelle ou approche émotionnelle ?
- Faut-il mener l’editing soi-même ?
- Un processus collectif ?
- Autant de façons d’aborder l’editing que de photographes
- De l’importance de conserver toutes ses photographies
- Montrer peu : l’exigence de la pudeur
Une définition de l’editing photo
L’editing désigne le processus de sélection photographique. Il s’agit de reconnaître, parmi l’exhaustivité d’un corpus d’images, celles qui sont les plus pertinentes. Plus rarement, ce vocable peut faire référence de façon plus large à l’ensemble des traitements a posteriori, incluant le travail de retouche photographique. Nous nous en tenons ici à sa définition la plus stricte.
L’editing est un exercice qui s’appréhende différemment selon la nature du groupe d’images en jeu. Parfois, on cherche à reconnaître des images indépendantes dotées d’une existence propre. Le plus souvent, les photographies sont reliées les unes aux autres, et c’est leur interconnexion qui contribue à déplier le propos photographique. Dans ce cas, outre la sélection individuelles des images, il est nécessaire d’emboîter ce processus dans un autre : le séquencement. Il s’agit alors de classer, d’ordonner les photographies les unes par rapport aux autres pour rythmer la lecture du groupe d’images et déplier un fil narratif.
Une sélection tributaire de la finalité recherchée
Bien sûr, la nature de la sélection dépend de l’objet de la sélection. Un photographe de rue recherchant les photographies les plus percutantes dans le cadre d’une pratique personnelle poursuivra la perfection de la forme et la pertinence du fond. Un photographe de mariage envisagera l’editing selon une approche globale de reportage, destinée à raconter la journée. Un photojournaliste choisira les images les plus synthétiques et fidèles à la réalité des événements couverts, en cohérence avec la ligne éditoriale de son agence. Un même corpus d’images peut donc potentiellement servir de matériau à plusieurs editings répondant à des finalités différentes.
Aux origines de l’editing : les planches-contacts
Aux débuts de la photographie, la production d’une image est une opération lourde et fastidieuse : installation du matériel, réglages, contrôle de l’exposition… Le processus est complexe et peu fiable. En 1913, l’allemand Oskar Barnack construit un objet qui révolutionnera la photographie : le Leica, un petit appareil photo au format 35mm. Cet appareil photographique est léger et maniable. Les réclames publicitaires vantent sa célérité : l’outil autorise la prise de trois photographies en cinq secondes. L’essor de ce nouveau matériel ouvre le champ photographique à d’autres domaines, celui du photojournalisme en particulier. Il est désormais possible de documenter l’instant, sur le vif.
Alors qu’auparavant, l’exercice de sélection s’opérait en amont de la prise de vue, lors du travail préparatoire, ces considérations deviennent plus secondaires. L’acte photographique devient plus spontané, et offre le nouveau luxe de pouvoir choisir entre différentes prises. La sélection photographique se fait désormais a posteriori.
Les années 30 voient l’émergence des agences de presse, qui exploitent une imagerie de plus en plus dense en réponse aux besoins des magazines, sans grande considération pour les photographes qui ont peu de contrôle sur la sélection de leurs travaux, ces derniers leur étant même rarement crédités.
C’est dans ce contexte que l’agence Magnum a vu le jour en 1947. Les photographes de l’agence reprenaient le contrôle sur leurs images ainsi qu’une forme d’autonomie éditoriale. Une des façons de reprendre ce contrôle passe par l’editing. Pour choisir les photographies à imprimer, ils étudient les pellicules de leur production à l’aide d’un outil : la planche-contact (contact sheet). Il s’agit d’une version positive du négatif, de même format, qui permet d’obtenir un aperçu lisible de la pellicule.
La planche-contact numérique : une nouvelle éthique
La plupart des photographes contemporains ont abandonné l’usage de la pellicule, poussés à la digitalisation de la photographie. Les logiciels d’editing tels que Lightroom ou Photomechanic permettent un affichage des photographies sous la forme de planches-contacts numériques, dont on peut paramétrer à notre guise le nombre de lignes et de colonnes.
Si la forme des planches-contacts numériques est similaire à leur prédécesseurs argentiques, ces deux supports de sélection se réfèrent à des éthiques différentes. Les planches numériques proposent une traduction de ce que l’on a vu ; les planches argentiques représentaient la trace physique de la photographie, et faisaient même office de preuve, à l’instar des planches-contacts de Bloody Sunday qui avaient amené le photographe Gilles Peress à témoigner à la barre.
Le temps, paramètre filtrant des images les plus fortes
De plus, et il me semble qu’il s’agit là de la différence la plus fondamentale, l’examen d’une planche-contact argentique procède d’un tout autre rapport au temps que son homologue numérique. En effet, le délai de production nécessaire au tirage de la planche-contact argentique impose de marquer un temps d’arrêt dans le processus créatif. Ainsi, l’analyse d’image ne se fait pas à chaud comme cela peut être le cas en photographie numérique. Le temps de latence laisse les images décanter, les détachant des décisions hâtives. « Ne pas savoir » serait presque une manière d’être, propre à cultiver le mystère et la suprise. Entretemps l’esprit mûrit de ses propres vagabondages, se récapitulant à lui-même l’histoire de la production photographique avant d’y avoir accès. L’esprit se fait trépidant, désireux de savoir si l’intention photographique est cohérente avec la réalité des enregistrements, bien que les attentes soient souvent trop ambitieuses comme le déplore lui-même Elliott Erwitt.
A l’heure de l’editing numérique, l’instantanéité du processus ne joue pas nécessairement en faveur de la photographie elle-même. Les images de photojournalisme les plus spectaculaires, sélectionnées en un temps record, ne sont pas forcément les plus précieuses ou les plus intemporelles. Si l’on est en mesure de se détacher des contraintes liées à la couverture de l’actualité, il est question de trouver le juste dosage pour opérer, en cherchant à marquer un temps d’arrêt salutaire, pour décoller des images les trop-plein émotionnels. Le temps filtre les expériences photographiques et les épure des réactions immédiates.
Déployer un workflow efficace : associer Photo Mechanic et Lightroom
Le numérique est une incroyable opportunité pour travailler ses scènes. Être en capacité technique de produire dix images par seconde devient banalité. Utilisée à bon escient, cette abondance est une chance car elle peut mener à saisir l’instant le plus fort plus facilement. Le risque étant de se perdre dans la surabondance des choix. Le traitement des fichiers lourds peut facilement décourager, et il est indispensable de définir un workflow fiable et rapide, si l’on veut conserver le plaisir de choisir ses images. Car qui veut passer des heures à subir les lents caprices d’une machine ? Il arrive souvent que par découragement devant le caractère rébarbatif de la tâche à accomplir, on choisisse de la remettre à plus tard, ce « plus tard » se transformant en… « jamais »…
Pour gagner en rapidité, je travaille aujourd’hui avec deux logiciels d’editing imbriqués. Je commence par opérer un premier tri sous Photomechanic : ce logiciel ne souffre aucun temps de latence à l’affichage (y compris en zoomant à 100%), ce qui représente un gain de temps considérable par rapport à Lightroom : quand on sélectionne, on passe d’une photographie à une autre, mais on revient aussi quelques photographies en arrière pour confirmer ses choix. Pouvoir mener cette opération de manière fluide est indiscutablement un atout. Par une logique de couleurs je hiérarchise mes images selon un degré de qualité. J’importe ensuite les images sélectionnées sous Lightroom, pour finaliser la sélection et post-traiter par la suite les images. Le fait de découpler dans deux logiciels les deux opérations a posteriori, sélection puis retouche, permet aussi de gagner en efficacité, dans la mesure où l’on n’est plus tenté par dépit de commencer à retoucher des images. Ici, on se concentre sur une phase puis sur l’autre de façon quasi-séquentielle.
Imprimer des images pour finaliser un séquencement
Souvent, on ne cherche pas à isoler une seule image, mais à mettre en valeur un groupe d’images. Une fois celles-ci sélectionnées, il faut encore les ordonnancer. C’est-à-dire chercher à établir des séquences logiques, qui marquent un lien d’une photographie à l’autre, aussi subtil soit-il. Peut-être est-ce alors le moment opportun pour imprimer ce groupe d’images finalistes. Manipuler la matière photographique tangible donne une valeur supplémentaire à l’image. Elle permet une projection plus facile, en particulier si la finalité de l’editing s’inscrit sur un support papier, tel qu’un livre ou un zine.
Sélection des images : approche intellectuelle ou approche émotionnelle ?
Concrètement, la sélection des images peut s’établir sur des critères de natures diverses. Une première façon de choisir consiste à considérer des éléments d’ordre technique : mise au point, composition, lumière. Cartier-Bresson se plaisait à considérer ses images du seul point de vue leur équilibre, comme s’il ne voulait pas vraiment observer ses images. Il retournait ses planches-contacts, pour aborder ses photographies dans le registre de la géométrie, cherchant la pureté des lignes, l’équilibrage des masses et les correspondances des formes.
Le sens porté par une photographie est un autre critère de choix. Une image peut être juste en matière de paramétrage, sans pour autant renvoyer de message ou d’émotion dignes d’intérêt. On retiendrait alors les images à plus fort potentiel narratif et réussies au plan technique. Si ces outils d’appréciation peuvent faire consensus (il est facile par exemple de s’accorder à dire qu’une photographie est floue ou non – quoique ? peut-être le concept de netteté est-il lui aussi relatif ? -), on voit bien qu’ils sont tributaires de la subjectivité du photographe.
Une autre manière de choisir consiste à assumer complètement cette subjectivité, en se concentrant uniquement sur les ressentis. Il s’agit alors de retenir les images qui nous touchent spontanément, en se détachant au maximum des critères techniques jugeant la qualité d’une photographie. On ne se privera pas de retenir une image floue si elle fait écho à quelque chose en soi. Le photographe Nadav Kander prétend « regarder avec ses sentiments plutôt qu’avec son cerveau », ce qui pose la question du rôle de l’inconscient dans l’arbitrage.
Ci-dessus, j’oppose deux sélections d’image, l’une privilégiant la charge émotionnelle de l’instant, l’autre favorisant l’exploration d’une mécanique de composition autour d’un jeu de lignes. En réalité, les outils de la sélection procèdent le plus souvent de cette double approche, qui consiste à équilibrer la force plastique d’une photographie avec son intensité émotionnelle.
Faut-il mener l’editing soi-même ?
L’exercice de sélection n’est qu’une étape du processus photographique. Si elle n’est pas toujours la plus plaisante, elle est sans doute la plus valorisante envers le public. C’est en effet à l’issue de ce travail qu’on révèle la synthèse de notre production. Si le déclenchement est en soi un acte éminemment solitaire, il n’y a pas nécessairement de raison d’opérer soi-même, ou en tout cas seul, lors de l’editing photographique. Vivian Maier n’a pas choisi elle-même la plupart des photographies que nous connaissons d’elle. Si l’on met de côté le coût de l’impression photographique, qui constituait sans doute un frein à la mise sur papier d’un travail, l’acte de photographier en lui-même pouvait lui suffire. Il s’agissait pour elle d’enregistrer des fragments de vie en se concentrant sur l’expérience la plus « vivante » du processus photographique : l’acte de photographier en lui-même.
Fred Herzog a fait confiance à son éditeur lors de la phase de sélection de son immense corpus photographique accumulé de 80 000 images, lorsque les progrès techniques de l’impression à jet d’encres autorisèrent enfin un rendu fidèle à sa propre vision des couleurs, lui qui jusqu’à présent n’avait guère projeté ses images qu’en diapositives de film couleur.
Tous les photographes ne sont pas nécessairement de bons éditeurs. Il s’agit là d’une expertise spécifique qu’il est d’ailleurs important de décorréler du déclenchement lui-même. En effet, le premier biais de sélection que peut rencontrer le photographe est celui de l’expérience de la prise de vue. La sélection d’images est très souvent influencée par les conditions qui ont mené à l’image. On peut ainsi ressentir une affection particulière pour un moment de photographie, indépendamment de la valeur de la matière produite. Cet affect vient troubler le processus d’editing. Pour certains, cet exercice de dissociation paraît naturel, pour d’autres il est plus douloureux. Les regards neutres peuvent contribuer à opérer une sélection déconnectée du contexte émotionnel qui entoure la photographie.
Un processus collectif ?
La généralisation de l’imagerie digitale a radicalement individualisé l’exercice de sélection. Par le passé, il fallait composer avec les contraintes de production et de gestion des planches-contact. Les photographes Magnum engagés sur les terrains d’actualité sélectionnaient rarement leur travail eux-mêmes. Cette tâche était souvent sous-traitée à Robert Capa dans les bureaux parisiens, et Ernst Haas dans les bureaux New-yorkais. Aujourd’hui, l’instantanéité du numérique rend au photographe la liberté de piloter l’ensemble du processus. Il me semble pourtant qu’il est toujours utile de confronter le fruit de ses propres réflexions auprès de regards experts… même si la difficulté principale sera de savoir accueillir les critiques. L’examen de la matière brute d’un photographe est éclairante car elle renseigne sur la démarche créative. Elle fournit dès lors des motifs de discussion et de réflexion inépuisables entre pairs. Certains photographes sont parcimonieux à la prise de vue, d’autres plus obsessifs. La planche-contact, qu’elle soit physique ou numérique, représente le temps qui se déplie, laisse une trace du mouvement à travers l’espace, et surtout de la manière dont le photographe le perçoit.
Autant de façons d’aborder l’editing que de photographes
Si les développements précédents proposent quelques grandes règles pour aborder l’editing, ce dernier n’est jamais qu’un exercice résolument personnel. Dès lors que le photographe choisit lui-même ses images, la sélection de son travail projette sa personnalité, ses aspirations artistiques, son idéal de vie. Le témoignage de la photojournaliste italienne Letitzia Battaglia est à ce titre passionnant. Il révèle combien son travail sur la condition féminine à Palerme est relié à l’intimité de son histoire personnelle, et à la petite fille qu’elle fut, éprise de liberté et de transgression. Alors qu’elle lui avait seulement demandé de s’appuyer à une porte, la petite fille ci-dessous leva le bras, révélant un billet tenu fermement. A cet instant précis, le regard est empreint d’une gravité froide et pénétrante qui interroge la photographe. A travers ce portrait d’une petite fille, tiraillée entre l’innocence d’un jeu d’enfant et la tentation vénale de la vie d’adulte, la photographe se raconte elle-même.
On avait peu de temps pour chercher la gentillesse ou la beauté, mais je l’ai cherchée de toutes mes forces. C’est le cas des petites filles que j’ai photographiées avec beaucoup d’émotion, elles me rappellent ma propre enfance.
Letizia Battaglia
Le photographe Chien Chi Chang illustre l’unicité de la démarche sélective, proposant une vision expérimentale inédite de l’editing : l’un de ses appareils est destiné à capturer une image unique et isolée de chaque scène. Il affirme mener dans ce cadre un editing qui mobilise des outils d’arbitrage alternatifs : son coeur et sa pensée. Il n’est plus question de trancher via le matériau photographique quant à l’instant d’avant ou l’instant d’après. Il dessine ensuite l’image qu’il a vue puis compare sa vision photographique et son dessin dont les approches sélectives diffèrent. Son travail interroge le rapport à la narration et l’idée d’instant décisif.
De l’importance de conserver toutes ses photographies
Cartier-Bresson découpait ses planches-contacts, retenant les photographies ou séquences intéressantes, jetant le reste. La démarche est radicale, et témoigne de la sûreté du regard du maître. Toutefois le photographe qui est en nous mûrit au fil de la pratique. Les intérêts et les goûts d’hier ne sont plus ceux d’aujourd’hui. Le regard gagne en acuité, le style s’établit, l’intention photographique se précise. Et les images restent. La sélection d’un jour peut être revue autrement, à des années d’intervalle. C’est pourquoi je recommande de ne pas supprimer trop vite des photographies qu’on jugerait indignes d’exister. Pour ma part, je les conserve toutes. Il faut dire que je shoote en Jpeg. Les fichiers sont plus légers, et l’acte décisionnaire qui tranche quant à la mise à l’écart d’une image devient plus léger et moins définitif. Souvent, quand je retourne à mes photographies passées, je constate que mes choix diffèrent, et il m’arrive parfois de retenir une image oubliée. Comme un trophée du présent sur le regard oublieux du passé. Cette mise en perspective de l’ensemble d’un corpus peut créer la surprise, reliant entre elles des images éloignées chronologiquement, mais proches néanmoins en matière de narration ou d’esthétique, comme c’est le cas pour le diptyque ci-dessous.
Montrer peu : l’exigence de la pudeur
L’exhaustivité d’un moment photographique met en lumière l’approche photographique dans son ensemble. Elle enregistre l’expérience et livre des clés sur le cheminement intérieur qui se joue pour saisir une scène. Ce foisonnement photographique, laborieux et intime, s’apparente au brouillon d’un écrivain, celui que Cartier-Bresson qualifiait de « détritus ». Rendre cette matière publique fait craindre à la photographie de perdre une forme de magie : la bonne image se tiendrait là comme une apparition, nous n’aurions plus qu’à la saisir dans un seul geste. C’est la facilité du geste photographique qui crée la confusion sur ce qui fait une bonne image. Y aboutir relève évidemment d’un tortueux et hasardeux cheminement. Pourtant, l’oeil du public n’a que faire de ce processus. Seul compte le résultat, et non la manière d’y parvenir. Pour donner à l’oeuvre photographique sa pleine valeur, il faut prendre garde à ne pas sur-diffuser, préférant des décisions plus parcimonieuses. L’art photographique est d’une redoutable exigence. Produire ne serait-ce qu’une excellente photographie par an constitue déjà une prouesse. On retient peu d’images des plus grands maîtres, mais on retient le meilleur. Parfois, l’editing d’un groupe d’images ne révèle qu’une production trop pauvre pour être révélée : il faut accepter la frustration de n’avoir parfois rien à montrer, sans rien perdre de son exigence.
3 commentaires
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Merci Benj pour si bien exposer les enjeux du choix des images.
J’aime cette idée d’une exigence de pudeur du montrer peu.
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Bonjour,
Je suis un fervent acteur du tout argentique, donc il faut prendre avec nuances mes prises de position!
Lorsque je lis dans l’article :
» De plus, et il me semble qu’il s’agit là de la différence la plus fondamentale, l’examen d’une planche-contact argentique procède d’un tout autre rapport au temps que son homologue numérique. En effet, le délai de production nécessaire au tirage de la planche-contact argentique impose de marquer un temps d’arrêt dans le processus créatif. Ainsi, l’analyse d’image ne se fait pas à chaud comme cela peut être le cas en photographie numérique. Le temps de latence laisse les images décanter… »
Bien entendu je suis d’accord, mais bien au delà du délai entre la prise de vue et le développement c’est tout un état d’esprit qui se met en place. Le temps qui s’écoule entre la prise de vue, le développement de la pellicule, la planche contact s’il y a lieu (ce n’est pas toujours le cas chez moi et c’est un tord) et le tirage, va permettre un regard bien différent de celui que l’on a lorsque l’on prend des photos en numérique (j’en suis le témoin et l’acteur car j’ai délaissé l’analogique pendant cinq années au profit du digital), pour exemple je viens de monter une expo dans laquelle de vieilles photos prises entre 1968 et 1973 n’avaient jamais été ni montrées , ni tirées! Et là quelle découverte de voir ces vieux développements impressionner dans le papier argentique moi ma part mais aussi pour les lecteurs de galerie.
La difficulté du tirage analogique même avec l’aide de la planche contact avaient bridé mon entrain ce qui ne serait jamais arrivé avec mes fichiers digitaux, mais alors là quel aurait été mon regard sur les fichiers? Je n’en sais rien, une chose est certaine : chaque fois que j’ai laissé décanter des photos soit analogiques soit numériques, mon regard a gagné en analyse. Une photo de reportage d’actualité comme un conflit guerrier mérite d’être traité à chaud, mais les autres qui ne sont pas du ressort de l’actualité (le paysage, le portrait, l’humanisme, l’action, le graphisme…) le lecteur ne s’intéresse pas au côté actuel et là la réflexion et le délai de parution ne sont pas des critères essentiels!
Pour terminer l’attitude du photographe reste un acte important sur le résultat final que les prises de vue soient analogiques ou digitales, seul une prise de vue non compulsive et un traitement au labo comme sur un poste informatique fait avec recul permettront de fournir un résultat convaincant bien loin des réseaux qui ne savent que gérer et provoquer les émotions collectives (xxxx LIKES, x millions de vues, X milliers °d’étoiles…)
Merci de m’avoir laissé m’exprimer et cordialement à tous.
GramounZilou
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Bonjour, merci pour votre commentaire enthousiaste et détaillé ! Totalement d’accord avec vous sur les bénéfices du temps en matière de progression du regard, indépendamment de l’outil photographique mobilisé. Vigilance toutefois sur l’excès inverse consistant à « laisser traîner » l’editing, rebuté par la difficulté technique du tirage que vous évoquez concernant l’argentique, ou par le volume d’images à traiter concernant le numérique. Amitiés photographiques, Ben