Les 12 secrets de la motivation en photographie
Comment garder la motivation en photographie ? Je ne sais pas vous mais pour ma part, la photographie relève un peu de l’obsession. J’ai sans cesse des idées, inspirations et références photographiques en tête, provenant des livres de ma bibliothèque ou de la simple observation de mon environnement. Le problème avec les idées, c’est que souvent elles ne dépassent pas le statut d’idée et finissent par mourir de leur belle mort sans que l’on n’ait rien produit. La faute à un emploi du temps trop chargé, à une recherche de confort (car il est assurément confortable de préférer se dire « je peux saisir cette image », « en effet il y a un shoot à faire », ou bien « je pourrais produire une imagerie à fort impact émotionnel si je le voulais »), à la crainte de se confronter à soi-même et à ses peurs. On se persuade que l’excuse est juste et on se promet de saisir l’idée au vol la prochaine fois. En vain.
De l’idée à l’acte photographique, le pas à franchir est difficile à entreprendre. Alors comment passer du statut de rêveur idéaliste à photographe productif ? Se rapprocher de la pratique photographique, c’est porter une attention prioritaire à cette opération, avant toutes les autres. Pour vous y aider, je vous livre ici quelques clés très terre-à-terre propres à faire chauffer votre déclencheur d’appareil photo, pour laisser la lassitude définitivement au placard.
Sommaire
- 1. Simplifier et connaître par cœur son matériel photographique
- 2. L’appareil photo toujours dans la poche
- 3. Photographier sa ville
- 4. Documenter son quotidien
- 5. Photographier des détails, oser l’abstraction
- 6. Noir et blanc, la lumière d’abord
- 7. Shooter en Jpeg pour fluidifier le process et éditer rapidement
- 8. Apprendre une nouvelle technique photographique
- 9. Se lancer dans un projet photographique
- 10. Voir et partager des photos… ailleurs que sur les réseaux sociaux ?
- 11. Imprimer ses photos
- 12. Ecouter des podcasts photographiques
1. Simplifier et connaître par cœur son matériel photographique
L’abondance est peut-être un leurre. L’effet « collection » occupe les pensées, provoquant des distractions détournant l’œil du viseur. A quoi bon posséder plusieurs boîtiers photographiques ? Pourquoi vouloir couvrir plus que de besoin une plage focale ? Pour qualifier son éventail d’objectifs photographiques, on fait appel à la formule de « parc optique ». Un peu comme un groupe d’objets à sanctuariser.
Peut-être faut-il au contraire se dépouiller du superflu. Une ou deux optiques adaptées à ses propres besoins, qu’on rangerait dans une simple boîte. Inutile d’investir dans un matériel de rangement spécialisé. Un seul boîtier, quitte à le doublonner pour prévenir une panne ou s’éviter un périlleux changement d’objectif en reportage, à porter dans un sac du quotidien. Un boîtier qu’on connaît par cœur, personnalisé à ses besoins à l’envi, intuitif et direct, comme si on voulait se relier à son seul regard, affranchi de tout égarement autre que ce qui est à voir, brandi comme ce »prolongement de l’œil » que formalisait Henri Cartier-Bresson pour désigner son Leica.
2. L’appareil photo toujours dans la poche
Qui n’a jamais ressenti la frustration de ne pas pouvoir enregistrer une image, faute d’un outil photographique à disposition ? Si photographier devient un projet compliqué, alors on l’abandonne. Pourquoi en effet sortir un objet lourd, emballé au fond d’un sac ? Peut-être faut-il porter toujours son appareil photo sur soi, pour prendre des notes visuelles, comme on porterait sur soi un carnet. Un outil simple qu’on mobilise dès qu’une occasion se présente, y compris et surtout quand on ne pense pas pouvoir photographier. Privilégier la maniabilité de l’outil sur la qualité à tout crin. Car qui vous reprochera de produire des images pas assez piquées ? Personne. Personne ne juge la force d’une image à l’aune des considérations techniques. Car c’est le cœur qui doit parler, et non l’outil, à jamais simple instrument destiné à servir la formulation d’un propos photographique.
3. Photographier sa ville
Peut-être faut-il accepter l’idée que votre ville de résidence n’est pas idéale pour photographier. Loin des quartiers londoniens de Soho ou Chinatown, loin de Saint-Germain-des-Prés, ou loin de Times Square. Qu’y a-t-il à défendre derrière ce rejet d’intérêt envers votre lieu de vie ? N’est-il pas trop facile d’invoquer ce contre quoi l’on ne peut rien faire ? Et que trouve-t-on derrière les artifices de la nouveauté ? Je ne pense pas qu’on y trouve les meilleures images. Elles sont difficiles à obtenir et suggèrent de se détourner des poncifs photographiques pour développer un discours personnel. Nous vivons là où nous vivons, c’est tautologique. Dès lors, tirons-en le meilleur. Je ne conteste pas l’idée des vertus du voyage pour nourrir le regard, mais il y a peu de chances qu’on ait de quoi dépasser les lieux communs quand le temps est compté ; il faut pouvoir y séjourner un temps long.
Je ne voyageais pas ; j’habitais les pays
Henri Cartier-Bresson
4. Documenter son quotidien
Soyons humbles, commençons petit. Surtout, photographions juste. Tout a déjà été photographié. C’est décourageant. L’humanité saisit chaque année plus de 1 200 milliards d’images. Comment produire un corpus unique dans ces conditions ? Sans doute en cherchant à montrer son vécu, filtré par sa propre sensibilité. Il s’agirait alors d’envisager une photographie résolument personnelle, sans concession. Essayer de trouver au fond de soi ce que l’on a à dire.
Cette recherche de profondeur, intérieure et photographique, ne peut s’appréhender que par petites touches simples, en enregistrant ce que l’on vit au quotidien. La fumée qui flotte au-dessus du noir de café, filtrée à contrejour par la lumière. Les débris de légumes à mettre au rebut, indignes d’alimenter la soupe. Commencer sa journée par quelques prises peut à ce titre constituer une bonne habitude. Déclencher comme pour s’échauffer. Sans la peur d’un résultat, sans attente particulière, seulement pour s’habituer davantage à photographier tous les jours. Car l’acte photographique ne doit pas s’appréhender comme un chantier à déployer, mais comme un outil accessible, ludique et puissant d’enregistrement du quotidien.
5. Photographier des détails, oser l’abstraction
Quand on débute en photographie on ne sait jamais quoi photographier. On voudrait tout saisir à la fois, et on finit par ne plus savoir choisir. Au fil de la pratique, le regard se fait plus sélectif, à mesure que monte notre degré d’exigence. Alors quand l’œil n’est pas assez mûr, il faut en contraindre le champ des possibles. La considération des détails est une bonne manière de procéder. Photographier des détails, c’est se limiter à des compositions plus simples, plus favorables au contrôle des éléments qui y concourent. Comme un apprentissage vers l’exclusion du superflu.
Et pourquoi pas tendre à l’abstraction ? Car à force de se rapprocher, on finit par perdre la référence à une forme reconnaissable. On se dirige doucement vers le jeu autour des textures, vers des associations de couleur et des dégradés lumineux. Et si on en profitait pour se détacher de l’idée de netteté ? Puisqu’on brouille les références au réel, brouillons aussi les contours des détails…
6. Noir et blanc, la lumière d’abord
En schématisant la pratique photographique, on pourrait la résumer comme une triple recherche, autour de la lumière, de la composition et du moment. Et si le coeur de l’acte photographique était de révéler seulement la lumière ? Ce serait le cas si l’on s’en tenait à la seule étymologie de la discipline. La pratique de la photographie noir et blanc facilite le déport d’intérêt vers la lumière. En s’affranchissant de la charge de la couleur, l’attention se concentre sur la façon dont la lumière habite le cadre et y déplie la gamme des tons de gris. L’exercice se simplifie, le nombre de degrés de liberté décroissant. Place aux variations autour de la lumière, abordée de façon frontale, oblique ou à contrejour. Interrogez-vous sur la manière dont vous faites tomber la lumière sur vos sujets. Souvent, on suit spontanément un même schéma, qu’il est stimulant de questionner.
7. Shooter en Jpeg pour fluidifier le process et éditer rapidement
Qui veut traiter des fichiers lourds et encombrants ? Voulez-vous vraiment passer de longues heures devant un écran à attendre qu’une photographie s’affiche ? A tripatouiller des dizaines de curseur pour sortir une image de bon goût ? Certes, la latitude en post-traitement sera plus grande par l’exploitation de fichiers Raw. Mais pour quoi faire ? Peut-être y a-t-il d’abord une question d’éthique derrière la « démarche jpeg » : il faudra être attentif à la bonne exposition dès la prise de vue.
On ne pourra qu’ajuster faiblement la balance des blancs : alors une charte de gris format carte de crédit pourra être utilement mobilisée pour calibrer la température des couleurs a priori dans des conditions d’éclairage difficile où les automatismes de la machine défaillent, à l’instar des lumières mixtes artificielles. Je trouve les jpeg Fuji assez merveilleux, en matière de rendu des couleurs et de correction du bruit. J’édite rapidement mes fichiers, en ajustant quelques curseurs, privilégiant le rendu le plus naturel, cherchant en premier lieu à être aussi rigoureux que possible pendant l’acte de prise de vue pour gagner du temps.
8. Apprendre une nouvelle technique photographique
Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais ce qui m’attire dans la pratique d’une discipline, c’est l’acte d’apprendre. Envisager une limite, c’est m’annoncer la mort de ma pratique. J’ai ce besoin de me défier, de poursuivre des pistes d’amélioration, de courir après des découvertes. Je trouve que la motivation est liée à ces dynamiques de progrès, qu’elles concernent les domaines techniques, créatifs voire les perspectives de développement personnel.
La façon la plus simple d’aborder l’apprentissage photographique relève sans doute des considérations techniques, le travail sur soi impliquant souvent des leviers psychologiques douloureux à soulever. Il pourra s’agir de maîtriser des techniques d’éclairage artificiel au flash, de creuser les secrets de la compression au téléobjectif, ou d’appréhender le mode manuel de son appareil photo. Ces pistes de progrès doivent bien sûr trouver une justification créative, sans quoi elles resteraient artificielles et rapidement abandonnées. Si la raison d’apprentissage est légitime, alors riche d’arguments photographiques nouveaux, votre regard s’en trouvera lui aussi renouvelé, et stimulé.
9. Se lancer dans un projet photographique
J’ai souvent eu des difficultés à projeter mes idées dans la réalité. C’est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui, en particulier lorsque celles-ci sont générales et ambitieuses. La motivation à prendre des photographies trouve souvent sa source dans du concret. Il s’agit de structurer ses idées autour d’un projet, dont on parvient à cerner les contours (sans pour autant les figer, car le chemin créatif invite souvent à questionner ses projections de départ). Ce projet fait office de guide tangible auquel on se raccroche plus facilement qu’à une idée abstraite. Quelque chose de simple au départ, qu’on pourra enrichir plus tard. Aujourd’hui, j’écris cet article un jour d’hiver, sous un épais brouillard que viennent percer les branches d’un arbre effeuillé : et si cette vision débouchait sur une idée de série photographique ?
10. Voir et partager des photos… ailleurs que sur les réseaux sociaux ?
N’avez-vous jamais eu l’impression de perdre votre temps en scrollant sur les réseaux sociaux ? Observons les choses froidement : quel pourcentage d’images absorbé retiendra votre attention de façon marquante ? Pourquoi s’astreindre à éplucher une production d’images dont « l’editing » est assuré par une machine qui n’a que faire de vos idéaux photographiques ? Les livres sont certainement la meilleure source d’inspiration photographique : vous avez le contrôle de ce que vous regardez, et vous vous nourrissez d’un travail réfléchi et sélectionné à dessein. De même, le partage de vos photographies peut vous détourner du chemin. Peut-être faut-il préférer diffuser ses images auprès d’un public expert et constructif, plutôt que de chercher l’approbation d’un public aléatoire, dont les louanges n’ont d’autre substance que la flatterie.
11. Imprimer ses photos
La sensation de découragement résulte peut-être d’une forme d’inaccomplissement. On s’arrête au milieu du gué créatif, sans parvenir à boucler son travail. Les photographies s’empilent sur les disques durs, perdues au milieu d’un fouillis jamais trié, dès lors oublié. Saisir un cliché est un acte difficile dès lors qu’on y accorde une exigence. Le valoriser l’est tout autant. L’editing photographique est le premier pas de ce processus de valorisation du matériau photographique. L’impression photographique en est le dernier. Toucher une photographie, observer la lumière jouer sur la matière tangible, témoigner de l’incarnation physique de son travail, tout cela procure sans aucun doute un sentiment d’accomplissement. Et quand on s’accomplit photographiquement, naît l’envie de poursuivre la quête, plus motivé que jamais.
12. Ecouter des podcasts photographiques
On pense souvent à nourrir sa propre imagerie par la consultation d’autres images. Pourtant produire une image, c’est implémenter une idée. Cette idée s’exprime par des mots avant de s’incarner visuellement. D’ailleurs, il peut être préférable de s’inspirer de la démarche d’un auteur davantage que par sa production. En particulier s’agissant du domaine photographique, la frontière entre copie et inspiration est parfois ténue, et risque de perturber l’expression personnelle si l’on se laisse envahir trop profondément par un univers visuel. La formalisation d’un travail inspire parfois davantage que le travail en lui-même. La bibliothèque de podcasts France Culture est une précieuse ressource dans le domaine.
4 commentaires
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Et pourquoi ne pas s’affranchir de tous les conseils (ou autres) donnés par des gens qui ne vous connaissent pas. Faites selon vos envies, ne copier personne, et vivez Votre vie. Laissez les conseilleurs conseiller. C’est souvent ce qu’ils font de mieux…. Je sais, ca ressemble à un conseil, mais c’est plutôt une suggestion….
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Bonjour,
Pour ma part, c’est en questionnant ma pratique et en structurant ma pensée au-delà de généralités que je progresse. Je me contente de partager mon expérience et mes réflexions sur la photographie, sans prétendre détenir aucune vérité. Libre à chacun d’en faire ce qu’il veut.
Bonnes photos !
Ben
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Je découvre aujourd’hui par hasard cet article..Très juste, tout est dit..Toute la différence entre prendre des clichés et faire de la photo…
À appliquer obsesionnellement …
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Merci beaucoup Robert, content de voir que mes propos vous parlent ! Amitiés, Ben